Joseph d’Anvers

A 2 heures du dernier concert de la tournée « Les choses en face », Joseph d’Anvers prend le temps de répondre à quelques questions… 

joseph d'anvers

Hexalive : Votre première tournée s’achève ce soir, quel en est le bilan ?

Joseph d’Anvers : le bilan est plus que positif depuis deux ans. L’album est sorti en janvier 2006 après un an et demi de tractations. Nous n’avons eu que des bons accueils, aussi bien pour l’album que pour la scène et aucun plan « galère » (c’est ce dont nous discutions avec Redeye tout à l’heure d’ailleurs). Que des bonnes salles avec du monde…

HL : Comment s’est-elle passée alors ?

JA : La tournée a commencé officiellement il y a un an à l’Européen et officieusement il y a un an et demi avec le Festival des Inrocks, une première partie à l’Olympia…
Il n’y a eu que des moments forts car je m’étais entouré de gars que j’aime bien, comme mes musiciens, les techniciens, que des gens dans mes cordes. C’est important quand on part faire une grosse tournée et il n’y a eu aucune embrouille.
Ca a été une année de découvertes pour tout même si j’avais déjà l’habitude de partir pendant de longues périodes quand j’étais chef-opérateur ; mais c’est différent car avant, j’étais derrière la caméra et maintenant, je suis devant. Alors que je suis de nature timide… J’étais auteur-compositeur mais j’avais pas pensé qu’il fallait être interprète aussi et donc être mis en lumière ; je jouais devant des amis au début donc c’était facile et évident et le public acquis d’avance. Aujourd’hui, les gens viennent pour moi, pour écouter Joseph d’Anvers, y a des affiches avec ma tête dessus, une équipe autour de nous… j’ai toujours un doute.

HL : Tu as fait la Fémis et étais chef-opérateur : au-delà du « pourquoi et comment » la musique et d’un « retour possible au cinéma ?», le montage cinématographique t’a-t-il guidé dans ta façon de construire ta musique et comment ?

JA : Avant la Fémis, j’avais déjà plusieurs années de formation dans ce domaine : j’ai fait trois ans d’arts appliqués, une licence en audiovisuel et un BTS cinéma. Pour moi, le cinéma, c’est avant tout l’image.
Mais j’ai toujours écrit des choses et ma façon d’écrire découle de qui je suis, ce que je deviens, ce que je suis génétiquement… mais je suis surtout quelqu’un de visuel. En tant que chef-opérateur, je traduisais des mots en images, maintenant, je traduis des images en notes et mélodies, c’est une démarche « inverse » même si finalement, elle n’est pas vraiment opposée à la première… je réfléchis de manière visuelle.

HL : Quelles sont tes sources d’inspiration ?

JA : Moi ! A la manière des groupes des années 90 et des groupes que j’aime comme Radiohead, Jeff Buckley, Joseph Arthur … tout ce qui touche à l’humain en fait.
Et plutôt que de me référencer à ces groupes et de faire la même chose, je m’inspire de ce que je lis, des films que je vois et des émotions que j’en tire. A travers ces différents médiums, des gens qui m’inspirent et des émotions comme la perte, la joie… On est tous pareils, on a tous vécu la même chose mais on est aussi uniques dans notre façon de le vivre.
Voilà ce que je peux ressentir et j’espère que ça fait écho ; en ayant cette démarche et des retours de personnes qui ont vécu les mêmes choses, je me suis senti moins seul. C’est une part de fierté que de se faire comprendre. C’est dommage que certains réduisent la musique et son message à une attitude.
Je viens du rock, de la noise, on pouvait chanter à voix basse de manière inaudible rien que pour soi, avec des intros de dix minutes  … mais ça sert à quoi de ne pas être compris ? Alors qu’on peut « oser avouer mourir d’aimer ». Alors, et sans tomber dans le fleur bleue, de manière simple, ça touche à l’essentiel.

HL : Qu’est-ce que ça fait d’avoir un public qui vient pour soi ?

JA : Je suis un peu parano…j’ai peur des fois de me faire huer !
A Paris, c’est particulier pour différentes raisons : le public est différent, l’environnement aussi et il y a les maisons de disques et les enjeux sont différents… mais c’est un plaisir de jouer, bien que j’ai toujours peur de décevoir.
En ce qui concerne le public, je continue à rencontrer les gens après le concert, je suis au stand pour vendre les disques, je cherche à rester en contact.
Alors bien sûr on sauve pas des vies humaines mais on influence les humeurs des gens. C’est toujours bizarre d’entendre ce que les gens pensent de notre musique car on ne fait que gratter une guitare.

HL : Le message que tu cherchais à faire passer est-il entendu ?

JA : Oui !
Nos chansons sont en français, c’est-à-dire affiliées à une certaine scène française mais on vient du rock. On est différent de Da Silva ou de Bénabar, on est plus proche de Redeye que de Bénabar.
Les gens perçoivent très clairement ce que l’on veut faire. On cherche à vendre des disques et faire une tournée sans vendre notre âme et rester intègre.
Lors de la sortie de l’album, il y a eu de bons articles dans la presse, idem pour la scène… je suis toujours étonné.

HL : Comment écris-tu ?

JA : J’ai écrit des textes au départ comme un exutoire, puis il y a eu une guitare et ça a fait des chansons. Deux-trois textes collaient mais pas assez pour me créer une propre identité.
J’ai reçu beaucoup de propositions des maisons de disques mais qui me demandaient d’être différent de ce que je suis, d’édulcorer mes textes, de changer de musiciens…or j’avais la possibilité de refuser (parce qu’il travaillait) et faire selon mes choix. J’avais jamais été dans une maison de disques, ni écouter la radio, je ne savais pas comment ça marchait.
A la fête de la musique, par exemple, à Denfert-Rochereau, je me suis retrouvé à jouer devant 10 000 personnes…J’ai pris un pseudo pour pouvoir me cacher derrière, il est comme une âme. Je n’ai pas gardé mon nom comme certains autres artistes parce que je n’ai pas la prétention de dire que les gens s’intéressent à nous, à ce que l’ont est, mais plutôt ce que l’on joue, ce que les chansons racontent, qu’elles soient justifiées, qu’elles aient du sens.
C’est également pour ça qu’on a voulu un bel objet, comme le CD en digipack, pour que les gens soient contents d’avoir un objet représentatif de ce que l’on est.
Comme on le disait tout à l’heure, les gens ont bien reçu le message, ils m’ont déjà parlé de mes origines, du cinéma, de la boxe… c’est aussi pour ça qu’existe le site internet, que quelque chose existe par l’image, les vidéos et c’est pour cette raison que je veux m’en occuper.

HL : Quelles sont tes influences ou sources d’inspiration musicales ?

JA : Bashung, Daniel Darc, Damon Albarn, The Pixies, Dinosaure Junior, Sonic Youth, Noir Désir…

HL : Redeye fait votre première partie ce soir : que peux-tu nous en dire ?

JA : on s’est rencontrés au Pop In en début d’année, au concert de Versari. J’aime vraiment beaucoup ce qu’il fait, la preuve, c’est lui qui assure la première partie ce soir…

HL : Sur « comme un souffle », tu fais chanter ton amie. Comment la vie, ta vie personnelle, t’inspire ? T’en détaches-tu et comment ?

JA : Mes parents ont été surpris en écoutant l’album, ils ont découvert ma part d’ombre, celle que l’on a tous. Je parle de choses que l’on a tous vécues, de ma copine, de celles d’avant… C’est compliqué pour elle parfois de s’y retrouver dans les textes et de savoir si je parle de nous ou pas.
Je me mets dans un état propice à la divagation, un état créé à partir de sentiments mais pas d’une histoire particulière ; un peu à la manière de Noir Désir, on comprend des choses  mais il n’y a pas une histoire écrite du début à la fin de la chanson.
C’est assez dur pour la vie personnelle, pour notre entourage, que de découvrir des côtés de notre personnalité. On se casse pas la tête pour mettre une distance et il n’y a rien de malsain ou de cru dans nos textes. Damon Albarn, dans ses différents projets (Blur, Gorillaz) a une facilité pour ça, il a du goût, du recul et la distance nécessaire.
La distance est aussi ce qui permet d’assumer notre musique lorsque l’on est sur scène.

HL : Qu’écoutes-tu en ce moment ?

JA : The Good, The Bad and the Queen ; Bloc Party (1er album), The Streets, Jay-Z, The Devastations, Arcade Fire

HL : Qu’est-ce qui est prévu pour les prochains mois ?

JA : On a déjà des maquettes d’une dizaine de chansons mais je souhaiterais leur donner une autre ambiance donc on est dans une phase de réécriture. Et comme on les défendra pendant un an après sur scène, on y travaille…

HL : Et enfin, si tu devais déménager, comment renommerais-tu le groupe ?

JA : En clin d’œil à Redeye (qui a grandi un temps aux Etats-Unis), Joseph Denver !


Interview réalisée par Delphine G.

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