Nick, technicien du son

Bonjour Nicolas. Merci de nous accorder un petit moment pour faire cette interview.
Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter brièvement, et nous dire quel est ton métier ?

Avec plaisir!
Bonjour à tous, moi c’est Nico, j’habite non loin de Nice avec ma femme, ma famille et mon chat. Je suis technicien du son et sur le terrain on m’appelle Nick.

Tu fais ça depuis combien d’années maintenant ?

Je suis rentré dans le monde du spectacle à la fin de mes études, en août 2012. Et je suis intermittent du spectacle depuis.

Cursus et conseils pour devenir technicien du son

Tu as suivi quel cursus et quel parcours pour arriver là ? Est-ce que c’était ton souhait depuis le départ, ou est-ce que c’est venu plus tard ?

J’ai toujours été attiré par le live. Que ce soit en tant qu’artiste ou par tous les différents métiers qui gravitent autour. Je suis né dans la musique et le rock, grâce à mon père qui en écoute beaucoup. Puis j’ai été musicien longtemps.
Après mon BAC, j’ai fait une école privée d’audiovisuel et techniques du son durant 3 ans à Nice. Puis 1 an à New York. Depuis le début j’ai toujours su que je voulais être sur scène ou non loin. Et mes études, contacts et la chance m’ont conduit où j’en suis aujourd’hui.

Est-ce que tu aurais des conseils particuliers à donner à quelqu’un que ce métier intéresse, et qui souhaiterait se lancer ? Est-ce qu’il y a des choses à faire ou à éviter, que tu as appris du fait de ton expérience ? Quel cursus serait le plus adapté ?

Oui bien sûr ! Avant de vous lancer dans le métier, avant de songer à faire de longues études ou même monter un petit business bancal en freelance, venez passer un peu de temps chez des prestataires sérieux, poser des questions à des techniciens confirmés, voir l’envers du décor et l’ambiance dans les équipes.
Car le gros du métier c’est ça. Le contact auprès des équipes, se familiariser avec le matériel actuel, montrer sa motivation.

Ce n’est que mon parcours, mais aucune boîte ne m’a jamais demandé de diplômes, juste si j’étais dispo et motivé.
Si j’ai deux conseils à donner, que je donne souvent à des jeunes recrues, c’est d’être patient.
Beaucoup veulent trop rapidement des postes à responsabilités. Avoir les mains sur une console ou être proche d’un artiste, sans réaliser le risque d’un loupé et de se retrouver blacklisté. Si talent et/ou motivation il y a, ce sera remarqué et récompensé. Un pas après l’autre.

Et deuxième chose, il n’y a pas de honte à poser des questions. Au contraire, cela montre un intérêt.

Selon moi, je dirai que le cursus le plus adapté de nos jours, c’est de se présenter dans des boîtes de prestations techniques. De ne pas hésiter à accepter un stage, faire du dépôt, rencontrer les techs lors de préparations de matériels, poser des questions, montrer sa motivation, être patient jusqu’au jour où tu seras appelé sur le terrain.

Le travail du technicien du son sur du live

A partir du moment où vous arrivez sur le lieu d’un concert ou d’un festival, quelle est ta journée type, s’il y en a une ?

Festival et concert, ce n’est pas exactement la même préparation.
Selon l’artiste avec qui on travaille (tête d’affiche ou 1ère partie), nous ne sommes pas appelés à la même heure déjà.

En concert, en prenant l’exemple d’une tête d’affiche, nous sommes appelés à venir plus ou moins tôt sur place pour ce que l’on appelle un « get in ». Disons que nous avons un get in à 14h. Nous arrivons à la salle, allons rencontrer l’équipe d’accueil et l’organisation. Nous déchargeons le van, et commençons l’installation du backline sur le plateau. Généralement 30min d’installation et 1h de balances.
Pendant l’installation du backline, je monte ma régie (console, ordis…)
Une fois le backline en place, je place mes micros et prépare mes liaisons sans fil, retours,..

Puis vient le temps des balances (soundcheck). Qui peuvent aller plus ou moins vite selon l’artiste et le travail en amont avec.

Une fois terminé, il est généralement 16h et c’est au tour des autres groupes de s’installer, dans l’ordre inverse de passage sur l’affiche de la soirée (je me comprends ^^).
Pendant ce temps là on en profite pour soit aller faire la sieste à l’hôtel, soit pour boire des coups avec les autres musiciens et techs.. moi c’est plutôt sieste haha.
On revient un peu avant l’heure de passage le soir, pour le changement de plateau. 21h-22h en fonction du nombre de groupes, et après c’est showtime !
S’en suit le démontage express afin de gagner un maximum de temps de sommeil avant de devoir se lever tôt le lendemain et rebelote dans une autre salle.

La différence avec un festival c’est d’abord l’heure de get in, qui est généralement assez collée à l’heure de passage sur scène.

On enchaîne l’arrivée, déchargement, installation, soundcheck/linecheck rapide, show, et démontage. C’est un peu plus sport !

Découvrez le setup de Nick sur un live

Un point qui m’a toujours fasciné. Tu as j’imagine potassé la fiche technique du lieu avant de débarquer, mais les configurations matérielles et l’acoustique sont à chaque fois différentes suivant les lieux. Comment tu fais pour t’adapter à tout ça dans des délais aussi contraints ?

Que ce soit en festival ou en concert, sur ce point je me fie beaucoup aux conseils de l’équipe technique d’accueil. Qui ont soit fait l’installation et le calage du système et connaissent les galères et/ou avantages du lieu. Soit qui sont dans cette salle depuis 100.000 ans et savent exactement comment réagit leur système.

En amont je vérifie toujours la fiche technique du lieu, qui m’indique la référence du système et de la console sur laquelle je serai (nous avons tous nos petits favoris).

Et en fonction de ce que je trouve dans leur FT, je sais déjà plus ou moins si ce sera facile, ou pas xD.

L’acoustique est et sera toujours le défi numéro 1. Bien qu’aujourd’hui nous avons des outils et logiciels qui nous permettent d’y faire face plus facilement. En open air, par exemple, on peut se retrouver avec le meilleur système et une super console, il suffit qu’il y ait du vent pour tout compliquer.

Après, nous ne sommes pas des magiciens, nous faisons le mieux possible dans le temps qui nous est imparti avec le matériel qui nous est fourni.
En plus de la patience, la capacité à s’adapter rapidement est également un gros avantage dans le métier haha.

Question un peu néophyte. Comment tu travailles pendant le show ? Est-ce que c’est « tout à l’oreille » que tu juges et corriges éventuellement ? Est-ce qu’il y a des indicateurs techniques que tu surveilles aussi sur la console ? Et est-ce que chaque morceau nécessite un réglage particulier ?

Prenons l’exemple d’un groupe avec qui je travaille assez souvent maintenant, Akiavel (ndlr : dont vous pouvez trouver l’interview sur HexaLive et avec qui nous avons passé une journée au Mennecy Metal Fest).

Pendant le show, que je connais par cœur, il y a des passages de murmures et d’un coup des growls puissants au chant. A la caisse claire, il y a des passages de blasts suivis de grosses frappes. A la guitare il y a de gros riffs puis des passages plus mélos arpégés.

Je fais beaucoup de « ride » de fader. C’est à dire que je garde le doigt sur le fader, et monte ou descend selon les passages. Je me fie beaucoup à mes oreilles. Et si je sens une baisse de niveau quelque part ou un excès, je réagis de suite.
L’habitude fait que cela devient une automatisation, à force je n’y pense même plus.

Il y a également des effets de reverbe et delay que j’active à certains moments précis.

Je n’en suis pas encore au stade où j’ai besoin de tout automatiser car la charge de travail est trop lourde haha. Mais à l’avenir pourquoi pas. On appelle cela des snapshots, où dans chaque chanson tout changement est programmé. Et de morceau en morceau ces changements d’effets, volumes, panoramiques, eq ou compression se font automatiquement.

C’est le grand luxe c’est sûr, mais tant que possible j’aime bien encore avoir le contrôle total sur mon show.

L’EQ (égalisation) de ma façade, je la fais en partie à l’oreille, avec les conseils de mon tech d’accueil, et je me sers également d’un micro de mesure avec un logiciel qui me permet de voir graphiquement comment « sonne » une salle à un point donné, qui est souvent la régie, et me permet d’ajuster les niveaux de fréquences audio en fonction du « bruit ».

Quant au volume, les salles et festivals sont presque tous équipés de sonomètres en régie qui nous imposent un niveau maximal à ne pas dépasser sur une durée fixe, 102dB(A) sur 15min.

Petite question matos, as-tu des marques préférées dans le matériel que tu utilises pour du live ?

Alors oui, en consoles par exemple je suis très fan depuis longtemps de la marque Allen & Heath (Qu, Sq et Dlive).
En micros, j’utilise un blend de tout. Du shure dans le kick, overheads(1) et systèmes HF. Sennheiser et Audix sur le kick, les toms et guitares. Du SE Electronics sur ma Snare et talkbacks(2).
Je n’ai pas trouvé une marque qui satisfait tous mes besoins, mais je suis ouvert aux essais !
En software et plugins, du Ableton, Live Professor et plugin Waves. Classique, sans chercher à faire trop compliqué.
Enfin, de super Pelican Cases pour bien protéger tout ça, et je pense qu’on a fait le tour.

Quel est ton meilleur souvenir de live aux manettes du son ?

Alors mon meilleur souvenir à ce jour, c’est avec Akiavel, au festival « On n’a plus 20 ans » (ndlr : dont vous pouvez trouver photos et chronique sur HexaLive).
Pourquoi ? C’est un tout je dirai. Un super accueil technique, un système bien calé, un public enflammé, et un show de qualité de mes copains.
J’ai pu voir pas mal de videos du show, et je suis assez fier du rendu de mon mix. C’était top!

Et en dehors de ces jours de show, quel est ton quotidien ?

Je fais des répètes et résidences avec d’autres artistes, je soutiens la scène locale en venant voir d’autres shows.
Et surtout, car je ne vis pas encore de la tournée, je bosse pour des boites de prestas qui me filent du boulot de Marseille à Monaco (concerts, soirées privées, mariages, évènementiel,…) et me permettent de renouveler mon statut d’intermittent chaque année.

Groupes et style de musique

Tu accompagnes quels groupes actuellement ?

Je suis principalement sur les routes avec Akiavel en ce moment, mais j’ai quelques side-projects sympas dont j’ai hâte qu’ils décollent eux aussi.
J’ai un groupe de métal Common Enemies, un groupe de métal spécial haha Schrodinger (ndlr : dont vous pouvez trouver le passage au FuriosFest sur HexaLive) et un artiste hiphop/afro MasKit.

Tu écoutes quoi comme musique ? D’ailleurs, question subsidiaire, est-ce qu’il serait possible de faire le son d’un groupe ou d’un style que tu n’apprécierais pas particulièrement musicalement parlant ? Est-ce que le côté professionnel prend le dessus, ou est-ce que tu estimerais que cela ne permettrait pas de faire du bon boulot ?

J’écoute de tout, vraiment. Du rock-métal à l’électro, en passant par le reggae, du blues/jazz, de la house, et des musiques de films.

Oui, il est possible de faire le son d’un groupe même si l’on a du mal à apprécier leur style musical. La preuve, et ils le savent, je me suis engagé dans l’aventure Akiavel sans vraiment connaitre ni aimer le Death Metal.
A ce jour, c’est toujours difficile pour moi à écouter comme style. Même si en live je me prends une claque à chacun de leurs shows!! 

Au départ le côté pro avait pris les devants, pas le dessus. C’était un challenge perso et une belle opportunité de vitrine professionnelle. Et aujourd’hui je me régale sur chaque date, je leur suis très reconnaissant de me faire confiance encore et encore.

Est-ce qu’il y a un lieu, une salle, où tu n’as jamais bossé et où tu rêverais de faire le son un jour ? 

Une belle MainStage au Hellfest au crépuscule, et un petit Olympia, et je pourrai mourir tranquille haha.

Et un artiste ?

J’adorerais pouvoir travailler avec les équipes techniques d’artistes tels que Hans Zimmer, U2 ou Phil Collins, l’espoir fait vivre !

Merci pour cette interview !

Interview réalisée par Arnaud Guignant

Retrouvez Nicolas sur son instagram

(1) Overheads : Micros placés au dessus de la batterie afin de capturer le son des cymbales ainsi qu’une image stéréo globale de la batterie
(2) Talkback : Système d’intercommunication entre les artistes sur scène et l’équipe technique au plateau et en régie.

Retrouvez l’épisode 2 sur les métiers de la musique avec Niko « KH » sur les métiers de producteur, d’ingé mastering et de mixeur

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