1er au 18 octobre 2009 – Festi’Val de Marne

Les parisiens ont souvent du mal à traverser le périphérique, dit-on. Mais peut être font-ils parfois des exceptions, possiblement pour le Festi’val de Marne qui se déroule cette année du 1er au 18 octobre.

3 octobre – B.Alone, Mansfield Tya et Nosfell à Fresnes

Ce soir, B. Alone fait office de mise en bouche. Entre Kajagoogoo et Alphaville, le garçon a la tronche d’un Nicola Sirkis en blond platine (avec un peu de Patrick Wolf dedans). Officiant au clavier, il est accompagné d’un guitariste électrique et nous sert une musique funkie portée par une voix quasi féminine. Joli et … délicat.

Mansfield.tya prend la relève. Le duo est notoirement complémentaire, avec le côté classique de Carla au violon (elle joue de la musique baroque en parallèle) et, aux antipodes, Julia au chant, guitare et batterie, crâne quasi rasé, nez percé et provocation garantie (voir son autre projet Sexy Sushi, qui vient d’obtenir le FAIR, quatre ans après Mansfield.tya) : «  Nous sommes Nosfell  » assure t’elle. Le ton est donné.
Les oppositions se poursuivent. Le masculin côtoie le féminin, la violence la douceur, le rock la chanson, le français l’anglais, la poésie l’horreur. La voix de Julia est aussi belle et fragile que tout son être est tendu, tension qui se retrouve aussi dans des échanges de regards dont les filles sont coutumières, désormais à l’honneur sur la pochette de ce nouvel album. L’émotion surtout, est présente sur tous les morceaux. Malgré les pitreries de Julia particulièrement détendue ce soir, à laquelle même Carla ne peut résister lors d’un final d’anthologie et une reprise de Love me tender qu’on n’est pas prêt d’oublier…

Nosfell est la tête d’affiche de la soirée. Le contraste est saisissant entre l’image virile de l’homme tatoué et l’artiste aux pieds nus qui occupe la scène. Avec une voix particulièrement aiguë, Nosfell flirte souvent avec les intonations de Jeff Buckley tandis que dans les graves, il va plutôt chasser sur les terres d’Arthur H. Une palette impressionnante, pour une voix maîtrisée dans des proportions rarement vues. Depuis le premier rang, on voit même sa langue vibrer telle une membrane d’instrument au milieu d’une bouche à l’ouverture impossible.
L’aspect  » linguiste  » se prolonge avec le Klokobetz, la langue qu’il a inventée, entre dialecte africain et breton. Avec un exotisme qui se retrouve plus loin dans ses productions de «  human beat box « , ou encore dans ses chants habités comme sous drogue indienne, formes d’incantations magiques secondées par un bassiste contrebassiste d’exception.

Et si le musicien est spécialiste des récits surréalistes où l’on parle de montagnes artificielles et de nourrissons dévorés (son troisième album est un livre disque qui prolonge ses histoires), il sait aussi reprendre pied dans la réalité et faire une pause pour s’inquiéter d’une jeune femme qui vient de faire un malaise : «  Essayez de lui mettre un manteau, qu’elle n’attrape pas froid en sortant « . Avant d’ajouter, à l’attention d’un public interrompu dans sa concentration :  » Excusez moi « .

Ainsi se livre Nosfell, tour à tour conteur, danseur, mime, castra et même troubadour. Humble enfin, lorsqu’il revient pour un  » Encore  » et troque sa guitare acoustique (qu’il ne parvient plus à accorder) pour l’électrique :  » Désolés, on est hyper mauvais en rappel « .

Fascinant.

Isatagada

10 octobre – la JIMI

En marge de la ribambelle de concerts ponctuant cette vingt-troisième édition, le Festi’val de Marne organisait le 10 octobre dernier la troisième JIMI, ou ‘Journée des Initiatives Musicales Indépendantes‘. En plus de la douzaine de groupes programmés depuis la mi journée, c’est un nombre croissant de structures (artistes, associations, labels, tourneurs, distributeurs, …) qui se sont retrouvées sous le grand chapiteau. Une journée chargée donc, déjà bien entamée à notre arrivée à vingt heures.

Après un rapide tour des lieux, ‘entamé‘ est également le mot qui s’impose pour décrire un certain nombre de festivaliers, dont on pourrait légitimement se demander s’ils sont venus faire autre chose que picoler. Ceux là au moins ont du immédiatement adorer SEXY SUSHI, autant que d’autres les ont tout aussi immédiatement détestés. Il faut dire que le duo charge la barque. Sur scène, ‘ Mitch Silver ‘ et ‘ Rebeka Warrior ‘, tout en déguisement et perruque, tournent une sorte de ‘roue de l’infortune‘ en hurlant des paroles ordurières sur des beats electro. On retiendra, par exemple, une longue liste de tous ceux qu’ils  » enculent  » (les sataniques, les schizophrènes, les fanatiques … «  et même ma grand-mère « ) ou plus loin, une autre liste ( » fils de pute – enfoiré – connard – taré « ) que l’on distinguera pour sa longueur en oreille – oui, exactement comme en d’autres endroits infiniment plus distingués, un vin serait long en bouche. Visuellement, on rapportera plutôt des images d’une poitrine dénudée, de simulations de coït avec un appareil photo, ou encore d’une foule invitée à monter sur la scène, la transformant en boite de nuit trash.
Soyons honnête : hors toute autre considération, on aurait pu s’en tenir là et classer ce concert dans la catégorie des expériences à oublier le plus rapidement possible. Seulement voilà, outre la caution artistique que le FAIR vient de leur délivrer, difficile d’oublier que  » Rebeka Warrior  » est cette même Julia qui officie au sein de Mansfield.tya, groupe pour le moins touché par la grâce. Impossible, dès lors, de porter de jugement définitif sur le projet. Qu’il faille prendre tout cela au premier, au dixième, ou même au premier degré, peu importe. Un peu comme on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde, on peut parfois porter un regard bienveillant sur ce qu’on aurait sans doute, venant de n’importe qui d’autre, condamné irrémédiablement. Et oser dire que dans un monde devenu le champion de la censure aussi bien que de l’autocensure, l’existence même d’un Sexy Sushi est rafraîchissante. La salle, d’ailleurs, s’est manifestement amusée.

Fin de la prestation, et tandis que le petit chapiteau se vide, on se dit que l’occasion est trop belle de se retrouver au premier rang des Stuck in the Sound. Il faut alors faire le deuil des Elderberries, programmés au même moment sous l’Étoile Rouge. Tant pis ; la vie est faite de choix Cornéliens.

Installation du matériel, sound check, et le concert peut commencer. Mais dès les premiers minutes, le groupe à l’énergie réjouissante doit subir les insultes et la bêtise de quelques abrutis décidés à faire mal plutôt qu’à s’amuser. Adieu barrière et premier rang, que les plus jeunes festivaliers devront aussi abandonner à regrets, parfois même en larmes. Malgré cela, le concert sera une réussite, Stuck in the Sound embarquant la salle comme à son habitude avec une bonne humeur contagieuse et une série de titres imparables en festival. Ouais et Shoot Shoot (clip à venir) sont définitivement les tubes de l’album Shoegazing Kids, au même titre que Toy Boy, toujours aussi fort en live, fut celui du précédent. De notre côté, on votera également pour le morceau le plus calme de la soirée, Teen Tale, tout en regrettant l’absence du très beau Zapruder et plus encore peut-être, du magnifique Playback A.L., notre préféré sur l’album.

Et puis, alors qu’on aimait déjà tout chez ces gars là, on se rend compte qu’on peut porter encore autre chose à leur crédit : alors qu’ils tendent pourtant vers la fin d’une tournée à rallonge, les Stuck in the Sound ont l’air de prendre toujours autant de plaisir à être sur scène. Mieux, s’ils n’ont pas perdu certaines  » marques de fabrique  » (la capuche de José, sa façon de brandir sa guitare en position verticale), ils savent aussi ajouter de petites nouveautés, pour exemple ce soir les interventions du bassiste au micro du chanteur. Un concert n’est alors ni tout à fait un autre, ni tout à fait le même et au fil du temps, on voit grossir visiblement les rangs de ceux qui les suivent avec bonheur. Nul doute que les kids chassés du devant de la scène en feront désormais partie : on les a retrouvés dansant au fond de la salle.
Quant à nous, décidément, on ne s’en lasse pas.

Direction l’Étoile Rouge où la douceur de la musique nous attire, contrastant avec celle les deux concerts précédents. La salle est plongée dans une quasi obscurité pour une ambiance zen. Les seuls éclairages proviennent d’une boule japonaise suspendue au dessus de la scène, secondée par des panneaux droits – japonais eux aussi. Sur la droite de la scène trône un écran encadré de la taille d’une peinture, sur lequel sont projetées des images en transparence, œuvre en temps réel de Zita Cochet. On aperçoit à peine les silhouettes des membres du groupe mais on est frappé, en revanche, par la présence des machines. Car il ne faut pas chercher de guitare, encore moins de batterie dans l’univers de SayCet peuplé de samples planants, de programmation et de claviers aériens. La voix de Phoene Somsavath, qui a rejoint Pierre Lefeuvre (initiateur du projet) flotte comme le reste, dans une sorte d’atmosphère onirique et ouatée. On pense à Sébastien Schuller, puis à Bat for Lashes. Puis, il faut bien l’avouer : on baille. Nul doute, il est temps de retrouver d’autres étoiles, et de vrais rêves.

Isatagada

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *