J’étais ce soir-là au Nouveau Casino sur l’insistance de D., laquelle avait employé les arguments les moins fair-play pour me convaincre de remplacer ma soirée à la Mécanique Ondulatoire par le concert de son chouchou » hyper sexy « . Je pensais ne pas connaître du tout, mais en visionnant de manière préventive la vidéo du single » Montre Toi « , je me rendais compte que je l’avais déjà entendu sur les ondes, et que cela me plaisait assez.
En ce jour où le prix Nobel de la paix était décerné à celui qui aurait pu être président des Etats-Unis, Patrick Walsh, citoyen d’un pays » beau et grand, mais complètement fou « , ouvrait le bal pour cette soirée découverte au Nouveau Casino. Seul à la guitare façon Damien Rice, celui qui avait fait l’an passé la première partie de DAhLIA eut bien du mal à capter l’attention des spectateurs bavards, souvent peu curieux des » openeurs « . Mais sa voix, magnifique, et une belle authenticité de song-writer lui valurent finalement des applaudissements fournis et chaleureux.
Lorsque Alexandre Varlet fait son entrée, je me dis que » l’hyper sexy » des uns n’est pas forcément celui des autres. Le trentenaire blond et mince façon Dave Gahan n’est pas franchement mon type, il faudra me convaincre autrement. La première impression est bonne. Seul à la guitare, le bruit de ses doigts qui glissent sur les cordes me séduit immédiatement, tout comme sa façon d’être complètement » dedans » dès le premier titre, ce qui est assez rare. La voix est belle, grave et chaude, proche de celle de Jean-Louis Murat. L’attitude est particulièrement marquée : il frappe le sol de son pied, se tord en arrière, et semble embarqué dans sa musique, la bouche ouverte et les yeux clos.
Les choses se gâtent dès le deuxième titre, à mesure que ses mimiques » habitées » et orgasmiques commencent déjà à me lasser. Le titre suivant ( » Le sens de l’orientation « ) plus rythmé, me réconcilie un peu avec lui ; dommage, la balance n’est pas bonne et les instruments (guitare, basse, batterie) couvrent sa voix.
A ce stade du concert, l’homme doit avoir chaud puisqu’il tombe la chemise pour se retrouver en marcel noir ; il est également passé à la guitare électrique. L’ambiance se veut rock, sa façon d’être sur scène aussi. Lors des passages plus instrumentaux (nombreux), il la parcourt de gauche à droite, se tient sur le bord comme s’il allait en descendre. Les bras sont pliés et en l’air, les poignets font d’incessants petits moulinets ; l’on dirait un clone du leader de Joy Division (à l’affiche du film » CONTROL « , vu le jour même), si ce n’est pour l’autocollant » Nouveau Casino Backstage » collé sous le bras droit. Nous sommes au tiers du concert et son attitude maniérée est devenue carrément agaçante. S’y ajoutent à présent des textes aux rimes plus que pauvres ( » eau de vie » répond à » nous sommes plein de vie « ).
Heureusement, la musique relève le niveau et sur » Tutti Quanti « , le batteur et le bassiste cèdent la place à l’excellent (et physiquement plus à mon goût cette fois !) Benoît Guivarch (Carp, participation au nouvel album de Landscape) pour un duo de guitares plutôt réussi. Une très moyenne reprise de Harry Nilson plus tard, Alexandre Varlet continue l’effeuillage et enlève le marcel pour se retrouver torse nu. J’apprécie assez peu, alors qu’il chante pourtant » je veux ton amour « , qui bénéficie d’une jolie intro à deux guitares, puis d’un beau gros son porté par le retour d’une rythmique (basse / batterie) bien en place. » Je veux voir les têtes bouger, dit-il, profitez-en, on ne sort pas tous les soirs ! Allez, vous rigolez ou quoi ? « .
La gestuelle à la Ian Curtis est à son paroxysme, et le revival oscille entre les années 70 d’Iggy Pop et les années 80 à la Depeche Mode. Malgré une apparente assurance, des clignements d’yeux de plus en plus fréquents et incontrôlables trahissent la difficulté évidente de se produire en public. On hésite entre l’empathie (le garçon fait presque de la peine) et la moquerie facile. D’autant que le choix de l’ordre des chansons est à l’inverse de toute logique et que l’on se dirige vers une fin de concert où le rock laisse place à la chanson française et à des textes de plus en plus douteux. Pour conclure : » Marions nous dans la mer / Pour toute alliance un fruit de mer / Je t’aime, je suis ton marin / Cette année nous ferons de nos mains un petit Oursin « . Aïe ! Malgré tout, le violoncelle et l’accélération finale de la guitare électrique reproduisent magnifiquement une ambiance de tempête…
Le public est le sien néanmoins, et demandera son rappel. Il commencera bien mal avec les plaintes de l’artiste. Son » je me suis cassé un ongle, ça m’embête vachement » suscite carrément l’hilarité de mon voisin qui n’en peut plus et le trouve définitivement ridicule. A vrai dire, je ne suis pas loin de partager son avis, lorsque le chanteur annonce un inédit, » Ressuscité « , qui me clouera le bec : » Je pardonne à tous ceux que j’ai fait marrer / Je n’ai pas de rancœur / Tous ceux qui m’ont vus mort et enterré / Je passerai ma vie à ressusciter « . Dommage, car au final on se dit qu’avec une voix pareille, un effort supplémentaire sur les textes et un tout autre jeu de scène feraient que l’ensemble, même s’il n’est pas révolutionnaire, se laisserait agréablement écouter. Qui sait ce que donnerait un Alexandre Varlet totalement affranchi de ses idôles, les Ian, Elvis, et autres Dave ? Peut-être d’autres instants comme » Le lit de la rivière « , le bel instrumental qui ouvre l’album et clôturera très joliment le concert. En musique comme ailleurs, il en faut pour tous les goûts …
Fort heureusement pour les fidèles qui le suivent depuis une dizaine d’années, Alexandre Varlet a prouvé qu’il n’était pas de ceux qui s’arrêtaient aux critiques … Une chose est sûre en tout cas : il ne laisse personne indifférent.
Isatagada