Arrêtez tout, Sugar & Tiger sont de retour dans les bacs et repartis sur les routes ! Et si vous devez prendre la voiture pour vous rendre n’importe où (ou à l’un de leurs concerts), glissez Flash, le nouvel album du seul et unique groupe de pink rock du monde, dans l’autoradio. Good vibes et énergie garanties ! Rencontre avec les fondateurs de ce « car band » ultime.
Vinyles et vélos
Lorsque j’arrive dans le bar où nous avons rendez-vous un samedi matin venteux, l’ambiance est survoltée. Caméras et vélos partout. Didier Wampas en costard de cycliste. Il se trame quelque chose. Mais quoi ?
Didier : C’est une association à Sète, Chichois Production, qui fait une bourse aux disques tous les 6 mois. Ils font un petit clip à chaque fois pour présenter l’événement. Au début ça durait 5 minutes, maintenant ça dure une demi-heure, c’est des vrais films.
Florence : Leur premier clip, ils l’ont fait avec nous. Ils nous ont mis sur un voilier pour chanter une chanson. Pour le dernier, ils ont carrément fait un court métrage style western avec Tony Truant, et le prochain c’est sur le thème du vélo avec Didier.
Bourse aux vinyles, le 8 juin 2025 de 10 heures à 21 heures, au restaurant Oh Gobie, Sète.
Amélie : Comment avez-vous eu l’idée de ce groupe-couple, Sugar & Tiger ?
Florence : Didier était en studio à Bruxelles pour son album solo, et à un moment donné il s’ennuyait. Il jouait tout seul de la guitare, et il m’a dit : « Mais vas-y, chante ! »
Mais ils nous ont mis en chanson cachée,
à la fin
Je n’osais pas, il a dû me forcer. Il a fredonné une chanson qu’il a inventée, c’était l’embryon de « Henri ». Et j’ai embrayé. Plus tard, j’ai vu que la marque The Kooples (le truc de luxe, enfin, branché), cherchait des couples pour une compil. Pour rigoler, j’ai mis des paroles sur ce qu’on avait fait à Bruxelles, et on leur a envoyé le morceau. Et ils nous ont sélectionnés !
Mais ils nous ont mis en chanson cachée, à la fin (rires). Ils nous ont filé pour 1000 euros de fringues, on n’a jamais été aussi bien fringués de notre vie ! On se disait « c’est bon, c’est fini ».
Après, on est partis en vacances et on s’est dit : « Tiens, si on faisait un clip pour ce morceau ? »
Puis les gens nous ont demandé un autre clip, et un autre morceau. Et le label de Didier nous a fait venir en studio pour enregistrer une démo. Ils pensaient qu’on allait faire 4 titres, c’est tout ce qu’on avait. Et on a été tellement inspirés qu’on a enregistré tout un album ! Le premier album a donc été créé en studio. Et le label s’est dit : « Ah bah merde ! » Ils ont dû sortir l’album d’un groupe qui n’existait pas. Tout s’est enchaîné comme ça. On a relevé défi après défi. Ensuite un tourneur nous a dit : « Dans un an, vous aurez qu’à faire un concert. » Et tout s’est enchaîné. Et nous voilà en 2025, avec le 5e album. Finalement, pour un truc qui est parti de rien !
Ils ont dû sortir l’album d’un groupe qui n’existait pas.
Amélie : Et comment tes enfants, Didier, sont entrés dans la boucle ?
Didier : Un pote à moi, qui fait un petit festival pour son anniversaire à Rennes tous les ans, nous a demandé de venir jouer. Mais nous, on n’avait pas de groupe. Un de mes enfants est batteur, l’autre bassiste, je leur ai dit : « On est en vacances, venez avec nous, on fait 3-4 chansons. » On a joué pour mon pote avec les enfants, puis après on a continué. Et on n’a jamais arrêté.
Florence : Là aussi, ça ne devait être qu’un concert. Les enfants pensaient qu’ils ne feraient que ça, et puis finalement on leur a dit qu’on avait plein d’autres concerts, qu’il fallait qu’ils viennent avec nous. Et puis ils sont restés.
Amélie : Didier, on connaît bien ton histoire dans la musique. Mais toi, Florence, tu en as toujours fait ?
Florence : Je jouais de la guitare depuis que j’étais ado, et de la basse aussi. Quand j’étais au lycée, j’ai acheté une basse et je me suis dit : « Tiens, je vais monter un groupe, je ne vais pas jouer toute seule. »
Donc j’avais un groupe de rock inspiré par Sonic Youth, et j’y jouais de la basse. Et puis j’ai eu d’autres groupes, toujours de rock alternatif ou de rock américain indépendant, mais toujours en tant que bassiste. Je me sentais bien comme bassiste. Et sur scène, en général, j’aimais bien baisser mon son : « Laissez-moi tranquille faire mon truc ! »
Du jour où je me suis mise avec Didier et qu’on a fait le groupe, on m’a mise devant alors que je ne sais pas chanter. Maintenant, au bout de toutes ces années, j’apprends à connaître ma voix et j’adore être au micro. On aime tous chanter tout seuls à la maison, là j’ai été obligée d’oser. Et puis ça me plaît d’écrire des textes.
Quand tu es ado et que tu joues de la guitare, tu essaies d’inventer des chansons et de faire un petit peu des textes. Mais quand tu as une dead-line avec un projet d’enregistrement, là il faut s’impliquer plus. Et c’est passionnant. Les gens pensent que c’est Didier qui écrit les textes, ils trouvent que c’est son style d’écriture. Bah non, pas tout à fait, quand même.

Amélie : Tes paroles sont assez différentes de celles des Wampas, mais on retrouve cet humour, que vous avez peut-être tous les deux.
Florence : On essaie d’écrire des choses positives et un peu énergiques, relevées. C’est notre point commun.
Amélie : Tu as aussi un truc un peu philosophique…
Florence : J’essaie. Tu l’as vu ? Super ! Je ne savais pas que ça se voyait.
Ça l’a fait rire, et du coup on en a fait une chanson…
Amélie : Mais il y a aussi des chansons rigolotes, comme « Qui a peur des marmottes ? ».
Florence : C’est Didier qui a inventé cette phrase, d’ailleurs ! Je venais de lire dans les news qu’il y avait des marmottes qui mordaient les gens en Mandchourie. Ça l’a fait rire, et du coup on en a fait une chanson…
Amélie : Tu écris plein de chansons sur les musiciens, les artistes.
Florence : La musique, c’est présent depuis que je suis petite, depuis mes 4 ans. J’ai vraiment besoin de musique, de chansons, de savoir qui les fait, quelle est leur histoire, dans quel mouvement… C’est extrêmement important pour moi.
Amélie : D’ailleurs, quelle est l’histoire du morceau « Le fils d’Elvis » ? Il n’a pas eu de fils, il me semble.
Florence : En fait, c’est le petit-fils, sauf que « petit-fils » ça ne sonnait pas dans la chanson. Des fois, on est obligé de faire des raccourcis…
Quand je commence, souvent, j’ai des grandes idées, philosophiques, intellectuelles ou existentielles. Et après pour que ça rentre dans une chanson, il faut tout condenser. Puis, pour que ça sonne, il faut modifier. Donc « Le fils d’Elvis », c’est son petit-fils Benjamin, et tout est vrai. Il s’est suicidé à 27 ans, comme tous les rockers, il n’y a pas longtemps d’ailleurs. J’avais écrit le morceau à la maison, et une fois en studio il a pris une autre dimension. Les gars ont exagéré la partie énervée et moi je me suis dit que, pour faire un contraste, j’allais faire une voix d’église. Puis on a mis une petite mélodie légère. C’est passionnant de créer un morceau tous ensemble.
Amélie : Vous créez tous ensemble ?
Didier : Souvent je fais la musique avant, puis Florence met les paroles, et après on arrange ça en studio.
Florence : En studio, on y est tous, et il y a une effervescence. On est tous concentrés.
Amélie : Donc ça part de la musique ?
Didier : De la musique, oui. Comme les Wampas. J’écris plein de chansons tout le temps, et après…
Florence : Didier a une banque de données entière parce que, quand il joue à la maison, il ne joue que des trucs qu’il invente. À la guitare, et le chant en faux anglais.
Didier : En yaourt.
Florence : Il invente les mélodies, après il enregistre tout ça.
Didier : J’écris plein de chansons et quand il y a un album de Sugar, je regarde ce qui collerait à mon avis, et je choisis. J’en ai plein.
Amélie : Vous revendiquez de faire du « pink rock », de base on pourrait se dire que Sugar est le pink et Tiger est le rock, mais j’ai l’impression que toi Didier tu es assez pink, et toi Florence pas mal rock aussi.
Didier : Oui, oui, c’est plus moi le pink !
Florence : Oui, oui, c’est ça.
Dans notre vie, on est un habile mélange de rébellion et de bienveillance
Amélie : Donc ça fait un bon mélange de vous deux.
Didier : C’est vrai.
Florence : Parce qu’on a tous les deux ces deux parts. Dans notre vie, on est un habile mélange de rébellion et de bienveillance. Et je trouve que « pink rock », si tu tires les fils, c’est ça.
Amélie : Tu abordes le thème de l’écologie dans « Prairie », je n’ai pas souvenir que tu t’attaquais à ce type de thème dans les précédents albums.
Florence : Cette chanson a marqué pas mal de gens qui l’ont écoutée, et l’interprétation change à chaque personne. Au début, je suis partie d’un livre écrit par Richard Adams dans les années 1970 (Les Garennes de Watership Down), sur une histoire de lapins qui se font chasser des villes et qui partent. C’était une critique de la société en Grande-Bretagne. J’ai lu ce livre et quand j’ai écrit cette chanson, petit à petit, ça a pris une dimension écolo. Et même carrément en temps de guerre, comme un peu en ce moment, ça prend aussi un autre sens : il faut défendre son pays. Enfin là, ils défendent rien, ils se barrent… Mais ça fait un peu chanson de ralliement. Et puis « allons enfants de la prairie », ça sonne un peu militaire, mais écologique.
Amélie : Et dans « 40 ans », tu parles de toi ?
Florence : À la base, c’est mon autobiographie.
Didier : Carrément, ouais.
Florence : Et ça va, c’est par trop chiant à écouter ?
Amélie : Ah non !
Florence : Parce que c’est des petits souvenirs. J’ai dû condenser aussi.
Didier : Ah bah oui, là, faut condenser (rires) !
Florence : Tu vois, quand je dis « série télé avec beurre salé », l’ingé son me demande : « Qu’est-ce que tu racontes, t’es sûre là ? » Bah en fait c’est parce que tous les soirs, en rentrant de l’école avec mes sœurs, on regardait les séries télé, genre AB Productions, en mangeant notre pain-beurre… Et le sable sur les barquettes à la fraise à la plage, c’est vrai. J’essaie toujours d’écrire des choses les plus vraies possible, ou alors dans la rêverie. « Damiano », c’est de la rêverie. J’ai voulu écrire un slow. J’adore essayer d’écrire le slow ultime dans chaque album.
Amélie : Tous ces prénoms masculins qui se retrouvent dans beaucoup de titres, Dimitri, Damiano… mais aussi dans les autres albums.
Florence : Dimitri, c’est un poisson !
Didier : C’est un poisson rouge. Mais on ne peut pas savoir que c’est un poisson dans la chanson.
Florence : Pour en revenir aux mecs : Didier, lui, fait plein de morceaux de filles comme… je sais pas qui.
Didier : Il y en a plein, oui ! Plein, plein ! Il y en a des dizaines !

Florence : Léonie, Valérie, Christine… Et moi, je suis aussi une fleur-bleue romantique, j’écris évidemment des chansons d’amour. Sauf pour une, j’ai mis un nom de fille dans un slow : Gwendoline. Mais c’était une vraie fille : j’avais 10 ans, j’étais à une fête et il y avait cette fille qui venait d’une autre école. Elle m’a toujours fait rêver… Je crois que je suis encore influencée par elle. Elle avait des longs cheveux, comme je suis en train de commencer à avoir…
Amélie : Tu deviens Gwendoline.
Florence : J’espère. Je ne sais pas du tout qui c’était, je l’ai vue qu’une fois à cette fête. Enfin bref.
Amélie : Didier, tu chantes moins sur cet album.
Didier : Oui ! C’est le hasard, je sais pas pourquoi. Je ne chante presque pas, il n’y a aucune chanson où je suis tout seul, je fais deux-trois chœurs.
Florence : C’est parce qu’on ne les a pas gardées. Il y avait « Brest », qu’on a enlevée, elle était un peu longue. Et aussi « Mascarade » et « L’Escargot » : sur « Mascarade », je chantais hyper vite, et Didier en a fait une version alternative qui s’appelle « J’ai bavé sur l’escargot », et que nous n’avons pas gardée (rires).
Didier : Faudrait sortir un single avec les deux versions !
Amélie : Et « Wampas au rabais », j’ai trouvé ça très, très drôle !
Florence : Il fallait s’exprimer là-dessus au bout de toutes ces années.
Je n’essaie pas de capter le public.
Amélie : On te renvoie souvent, l’idée que Sugar & Tiger sont des « Wampas au rabais » ?
Florence : Tout le temps. Depuis que j’ai fait cette chanson, ça va mieux ! Ce n’est pas du tout que je suis aigrie… Évidemment, vu qu’il y a Didier, les gens réagissent comme ça. Par exemple, sur notre tournée, il y en a qui nous ont programmés parce qu’ils ne peuvent pas se payer Les Wampas. Mince, au bout de toutes ces années, on n’arrive pas à exister en tant que tels ! Mon charisme ne dépasse pas le tien, mon chéri (rires). J’avais envie de dire ça dans cette chanson.
Pour le clip, j’ai demandé à avoir la scène et les membres des Wampas, et on les vire un par un pour se faire notre place. Ça faisait du bien de faire ce morceau pour dire qu’on est reconnaissants. Et même si c’est un peu casse-pied qu’on nous rappelle toujours ça, on comprend pourquoi. Sans Didier, il n’y aurait ni les chansons ni rien, on n’aurait pas bouclé la tournée parce qu’on ne serait personne. C’est un mix d’émotions, et au final c’est bien que ça se transforme en quelque chose de positif.
Amélie : Vous partez en tournée. Le live, comment ça marche ? Par rapport aux Wampas, justement ?
Didier : Rien à voir ! Je n’essaie pas de capter le public.
Florence : Il y a quand même certains endroits où les gens se massent devant Didier.
Didier : Oh pas tant que ça ! Je ne me mets pas en avant.
Florence : En même temps on a besoin qu’il soit là, c’est la locomotive aussi !
Didier : Moi, je suis là, je suis là, c’est tout !

Florence : C’est plus facile là où le public nous connaît bien : ils viennent voir Sugar & Tiger et pas les Wampas. Mais toute la France va finir par apprendre à nous connaître !
Didier : Là notre batteur est malade, il y a un batteur remplaçant, on ne va faire qu’une répète avec lui !
Florence : Ça va être rock’n’roll !
Didier : Ça va être rock’n’roll, oui.
Amélie Robert
En tournée jusqu’au 10 mai 2025
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