Bonjour Sylvain. Merci d’avoir accepté cette interview. Est-ce que tu peux déjà nous préciser quel a été ton parcours jusqu’à Savage Lands ? Que ce soit en tant que militant environnemental (même si tu n’aimes pas le terme) mais aussi en tant qu’acteur de la musique ?
Salut et merci à vous !
Et bien ça remonte aux années 80 / 90, j’ai commencé les groupes et le militantisme écolo à 16 ans et finalement j’ai jamais vraiment arrêté à part une longue pause musicale après l’arrêt d’Artsonic (13 ans sans toucher une guitare… quand même).
Ndlr : « petit » flashback avec Artstonic
Ça a été une sacré aventure et pas toujours reposante
Tu vis beaucoup au Costa Rica, et ce depuis de nombreuses années. Qu’est-ce qui t’a fait choisir cette destination ?
Un gros coup de blues suite à l’assassinat de mon meilleur ami et militant écolo Pascal Sternberg. Le Costa Rica a été un peu une façon de tourner la page musicale et militante en étant dans un lieu qui protégeait sa biodiversité et qui était assez rassurant dans certaines de ses valeurs (école et santé gratuite, démocratie, droit des femmes, pas d’armée etc)…
Et on est tous partis en famille avec mes parents notamment. Ça a été une sacré aventure et pas toujours reposante, mais ça a permis de revenir à des choses essentielles. Le lien avec les écosystèmes au quotidien par exemple.
Savage Lands : la génèse et le projet
Comment s’est passé la naissance de Savage Lands ? Et peux-tu nous présenter les personnes qui t’accompagnent dans cette aventure au quotidien ?
Savage Lands est né avec la reprise de contact entre Dirk Verbeuren (ndlr : batteur de Megadeth, Scarve, Soilwork) et moi (on jouait ensemble dans les années 90 / 2000). On a eu envie de créer un outil qui permettrait d’aller plus loin que la simple dénonciation. En fait on voulait embarquer la communauté Metal dans quelque chose de concret qui propose des choses plutôt que de dénoncer (même si c’est aussi utile et que nous le faisons également). Beaucoup de personnes nous disaient qu’elles ne savaient pas comment agir. On s’est dit qu’il y avait surement un truc à creuser.
Aujourd’hui, il y a plusieurs sphères qui gravitent autour du projet et qui aident soit sur la partie musicale, soit sur la partie environnementale, soit les deux. La famille commence à s’agrandir mais les premiers à soutenir étaient les artistes français présents sur l’album notamment. Et puis il y a aussi les associations en France et au Costa qui rejoignent ce qui est en train de devenir un collectif.
Idéalement, il vaut mieux ne rien faire justement et laisser la nature tranquille
Les actions
Un des aspects de Savage Lands est d’acheter des terres pour les sanctuariser, et ainsi protéger la biodiversité. Comment ça se passe concrètement ? Comment sélectionnez-vous les emplacements, et comment arrivez-vous à les acquérir ? Et quelles actions vous faites ensuite sur ces terres ?
Oui c’est une des façons de faire et nous allons commencer à le faire en France avec l’aide d’autres organisations qui travaillent dans cette direction. Idéalement, il vaut mieux ne rien faire justement et laisser la nature tranquille. Mais on sait aussi que faire participer des personnes à des opérations de plantation a un super impact pédagogique. Donc on va aussi développer ça sur le territoire national.
Concernant les terrains, on essaie d’avoir deux stratégies :
1/ Les terrains avec forte teneur en biodiversité (en gros des forêts existantes qu’il faut protéger)
2/ Des terrains qui permettent de monter des opérations de plantation ou de libre évolution, et qui nous donneront l’opportunité d’embarquer des volontaires dans des actions symboliques.
En France il y a des terrains agricoles (c’est parfois compliqué pour les transformer en forêts car tout le monde ne voit pas ça d’un bon œil).
Également des forêts privées mais qui pourraient être exploitées… Donc là, on a un système de compensation qui permet de ne pas trop léser le propriétaire tout en obtenant une garantie sur 75 à 99 ans (acte notarié)… C’est un outil intéressant.
Et ensuite l’achat pur et simple. Dans ce cas on essaie de se mettre à plusieurs pour limiter les frais, mais également rassurer les gens car à plusieurs on a moins de chances de changer d’avis en cours de route (surtout quand on le fait avec d’autres ONG)…
Au niveau local au Costa Rica, vous avez beaucoup de soutien ? D’associations, des autorités, des volontaires ?
On a crée une coalition : Alianza verde avec d’autres acteurs de la défense de la biodiversité. Et comme tu t’en doutes, on a quelques soutiens mais aussi des ennemis qui préféreraient nous faire taire et utiliser les terrains pour des développements immobiliers moins respectueux… C’est inévitable.
On attend les suggestions
La division jeunesse
Vous avez lancé votre division jeunesse. Vous avez trouvé le nom parfait ou pas encore ?
Ha ha je vois que tu suis l’actualité de Savage Lands. Et bien non pas encore ! On attend les suggestions de tous ceux qui ont des idées.
Les Partenariats
Qu’est-ce qui est le plus intimidant ? Rencontrer Robert Trujillo ou Jane Goodall ? 🙂
J’ai énormément de respect pour les deux. C’est dans les deux cas des personnalités intègres et qui ont tout donné pour leur passion. Évidemment, Jane Goodall est plus difficile à rencontrer pour un métalleux et on se sent super fiers d’avoir pu lui expliquer notre concept… Et qu’elle y soit aussi réceptive. C’est une grande dame comme on n’en fait plus.
C’est une grande dame comme on n’en fait plus
D’ailleurs est-ce que tu peux nous en dire plus sur votre collaboration avec Jane Goodall ?
L’idée c’est de faire connaitre le thème de la biodiversité à travers des exemples concrets. Et d’utiliser la musique comme outil pour toucher encore plus de monde. Du coup, nous allons participer à deux projets. Un en Afrique (création d’un corridor biologique) et un en France (la première réserve de biodiversité Jane Goodall en Bretagne).
L’idée, au delà d’un apport financier, est de créer des contenus et de promouvoir ces thèmes qui sont parfois relégués loin derrière celui du CO2. Et bien entendu nous bénéficions de l’expérience énorme de l’institut Jane Goodall pour gagner du temps, apprendre de leurs réussites et de leurs erreurs… Et eux vont devoir se mettre à parler Metal aussi 🙂 C’est un apport mutuel qui permet d’élargir l’audience de chacun pour que la cause de la biodiversité soit mieux défendue.
La preuve puisqu’on en parle déjà…
La préservation de la biodiversité dans le monde actuel
Au niveau de l’écologie et de la préservation de la biodiversité, par rapport à ce qui se passe dans le monde, à l’actualité, à l’inaction de nos dirigeants sur beaucoup de sujets… Comment vois-tu les choses, et quel est ton état d’esprit (résigné, optimiste, combatif…) ?
Je suis assez déprimé et c’est le fait d’être actif qui me permet de ne pas sombrer ha ha ha
Concrètement, même si la cause peut paraître perdue, il faut au moins se battre avec honneur. Et qui sait, on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Sauf si on ne fait rien !
Savage Lands et la musique
Au niveau musical, vous avez fait le Hellfest en 2024. Vous avez sorti plusieurs singles dont « Army of the Trees » avec le gratin du metal français (nrld : Stef Buriez, Akiavel, Benighted, Tagada Jones, Locomuerte, Aldebert, Sidilarsen…). Vous avez beaucoup de soutien de la scène française, et de la communauté metal en général ?
Oui bien sur, on a beaucoup de chance et des personnes de qualité. Il y a eu plusieurs types de soutiens et parfois des gens qui avaient envie d’attendre un peu pour être sûrs de notre démarche. Ça se comprend car il y a pas mal de projets qui n’aboutissent jamais.
Dans tous les cas, on est ravis d’accueillir tous ceux qui viennent pour les bonnes raisons, et même s’ils prennent leur temps pour être sûrs de ne pas se tromper. C’est une histoire qui s’inscrit dans le temps long, donc il y aura encore beaucoup de choses à inventer avec de nouveaux artistes… Et à approfondir avec ceux qui sont déjà là.
Ndlr : Retrouvez ici le concert complet au Hellfest
Savage Lands, l’album
Un album va sortir très prochainement le 15 février, est-ce que tu peux nous raconter sa génèse ?
J’avais repris la musique un peu par hasard avec Poun (Black Bomb A) avant la création de Savage Lands. Juste comme ça, pour composer des choses à nous. Sans objectif. Et puis quand on a fait écouter à Dirk il a rapidement trouvé que ça tenait la route, et on s’est dit qu’on pourrait créer les bases et ensuite proposer à des artistes de venir proposer leur participation.
Du coup, on a commencé à écrire avec Etienne (BBA aussi), Flo (Locomuerte), Aurélien (Morglbl), Dirk et moi… Et ça s’est enchainé assez vite avec le premier titre, feat John de Obituary et Andreas de Sepultura… Parfois les choses se font simplement et logiquement.
Ndlr : vous pouvez pré-commander l’album ici
Qu’est-ce qui vous permet de récolter des fonds pour vos opérations ? La musique y contribue beaucoup, ou cela donne surtout de la visibilité à vos actions et permet de sensibiliser à votre cause ?
La musique ne rapporte pas beaucoup, tout le monde le sait mais elle permet d’avoir un truc différent et de parler avec les émotions plutôt qu’avec des discours.
Les financements viennent de donations individuelles ou des adhésions à l’association.
Également nous avons un partenariat avec Hellfest qui va bientôt nous permettre d’initier les premiers projets en France. Et puis il y a Heilung qui non seulement est sur l’album (deux titres) mais qui a aussi décidé de nous reverser 1€ par billet vendu sur la tournée !
C’est un super symbole et on espère que d’autres suivront dans ce sens pour nous donner les moyens de lancer des projets à l’international et de peser en restant indépendants !
Ndlr : le dernier clip de Savage Lands sorti ce 10 février avec Alissa White-Gluz (Arch Enemy) et Kenneth Andrews (Obituary) :
Ce n’est pas un groupe qui a été signé mais l’ONG directement
Le Label
Vous êtes soutenus par Season of Mists, c’est important d’avoir un gros acteur à l’international avec vous ?
Oui bien sur et c’est surtout la validation d’un procédé nouveau : ce n’est pas un groupe qui a été signé mais l’ONG directement. Ce qui permet que 100% des revenus de la musique aillent directement financer l’ONG Savage Lands.
Une tournée ?
Qu’est-ce qui est prévu ensuite avec cet album, est-ce qu’il y aura une tournée derrière ?
Pas de tournée au sens classique du terme. Nous ne sommes pas un groupe classique. Si Savage Lands joue Live c’est uniquement quand l’organisateur devient soutien actif de l’ONG. Les gens qui nous verront sur scène sauront que chaque concert apportera donc des moyens pour des opérations sur le terrain.
Je suis surpris presque toutes les semaines par un truc que j’écoute
La musique
Au niveau musical, est-ce qu’il y a des groupes qui t’ont tapé dans l’oreille récemment ?
C’est surtout le niveau général qui m’impressionne ! Et j’ai l’impression de ne pas avoir assez de temps pour pouvoir approfondir. Honnêtement ce serait dommage de ne citer qu’un ou deux projets car je suis surpris presque toutes les semaines par un truc que j’écoute que ce soit en France ou ailleurs… Quel level !
Une tradition qu’on aime bien sur HexaLive. Quelle personnalité de la scène musicale française nous conseillerais-tu d’interviewer ? Et est-ce qu’il y a une question que tu aimerais lui poser ?
Pas facile… Je demanderais bien à tous les artistes de la scène s’ils n’auraient pas envie de rejoindre l’Army of the trees car plus on est nombreux plus on pourra peser sur ce monde de dingos… Ce serait pas mal et une belle revanche pour une musique qui n’a pas toujours été considérée digne d’apparaître partout ?
Merci pour cette interview !
Un grand merci à vous pour votre intérêt !!!
A bientôt
Interview réalisée par Arnaud Guignant
Retrouvez Savage Lands sur leur site officiel et sur instagram
Si vous souhaitez soutenir le projet, vous pouvez adhérer à l’association