Florent Marchet – Rio Baril

Les plus jolies choses naissent souvent d’un paradoxe. C’est ainsi qu’avec Rio Baril, Florent Marchet a fait l’album le plus ambitieux qui soit pour dépeindre toute la médiocrité d’une société qui échoue à s’élever.

S’il cumule les talents, la musique est celui, sans doute, qu’il revendiquerait le plus. La sienne est élitiste sur bien des aspects, et marie les sonorités d’un orchestre symphonique à celles d’instruments insolites (ukulélé, banjo, mélodica) sans jamais flirter avec l’indigestion. Faire grand avec finesse, n’est-ce pas le summum de l’art ?

Les ambiances sont variées. On croise dans Rio Baril de la musique de western (Belvédère), de la pop déjantée (J’y crois pas, avec Dominique A et Philippe Katerine s’il vous plait) ou encore de subtiles mélodies à la Souchon, avec qui il partage également le timbre de voix (La chimie).

Mieux encore, la musique est le parfait élément d’un tout, comme le serait la bande son d’un film. Ainsi elle coule de morceau en morceau pour s’interrompre au moment où le héros a basculé, illustre le cycle d’une vie (des horizons infinis à la Ennio Morricone, jusqu’à la fanfare du village), se dépouille pour mieux souligner un propos. La maîtrise est impressionnante. Outre la musique, Florent Marchet a le don des mots et sait faire naître des images. Il plante les décors, saisit les atmosphères, raconte des histoires.

L’album s’écoute comme on lirait un roman. Au fil des pages, son personnage va tenter d’échapper à son enfance blessée, partir à la ville où on espère qu’il réussira, pour finalement sombrer («  une histoire de flingue « ) et revenir au point de départ. L’espoir est absent du message : on n’échappe pas à son destin, il est inutile de lutter. Rien, de toute façon, ne trouve grâce à ses yeux ; ni la province étriquée, ni la ville indifférente. Et les protagonistes sont bien malmenés, comme cette fille que l’on voudrait sauver alors qu’elle fait, en conscience, le choix de l’homme qui ne la rendra jamais heureuse (Ce garçon). C’est triste à pleurer, tragique.

Florent Marchet a le sens de la critique, et ne s’oublie pas. Mais lorsqu’il clame qu’il est plus auteur compositeur, qu’interprète, on a le droit de ne pas être d’accord. Car sur les moments de lecture musicale, ses intonations sont parfois si justes que l’on retient son souffle pour écouter naître ses personnages (Il fait beau, 35 ans). Ces instants de grâce font la magie ultime de l’album, la véritable rareté du projet. Florent Marchet, c’est entendu, n’est pas un chanteur à voix ; mais qui s’en plaindrait ?

Rio Baril mérite du temps. Ce temps qui dévoile, peu à peu, les trésors qui autrement, seraient restés cachés. Ce temps qui fait que l’on s’attache. Que l’on apprivoise. Et qui, comme en amour, mène à la cristallisation.Je vous souhaite ce temps-là.

Isatagada

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