Asyl – Brule, brule, brule

C’était en 2006, ASYL venait de sortir un premier album encensé à peu près partout – ce qui m’agaçait furieusement – et je m’étais retrouvée devant eux à Lille, pour un plateau Le père Noël est-il un rockeur, en compagnie des groupes DAhLIA et FANCY, mais aussi d’un séducteur australien dont j’ai oublié le nom depuis. La soirée était très réussie, l’ambiance festive, particulièrement détendue, d’une sorte de décontraction presque intime assez curieuse pour un concert.

D’ASYL, je ne connaissais que le single et lorsqu’ils firent leur entrée en scène, je les accueillis avec une relative indifférence. Il était tard, toutefois, et la salle était assez clairsemée, si bien que je me retrouvais au premier rang. De si près, le déclic de l’appareil photo me démangea, d’autant que le chanteur du groupe s’avéra rapidement un sujet fantastique. Jeune, mince, beau, brun et ténébreux à la manière d’un Brian MOLKO Français, Mathieu LESCOP (j’ignorais son nom à l’époque) passait son temps à prendre des poses que je jugeais affectées quoique parfaites, s’aidant en cela d’une chaise ou s’appuyant sur son pied de micro, nous gratifiant même d’un tomber de chemise exquis. A la fin du set, mon opinion était faite : ses manières, pour être absolument photogéniques, l’avaient classé dans la catégorie des  » inauthentiques, calculateurs, faux et assimilés « , la chaise constituant le parangon absolu du too much. Leur musique, certes, était  » sympa « ; quant à mériter un tel battage, c’était une autre histoire.

Quelques jours plus tard, j’apprenais que les «  poses affectées  » du Mathieu en question provenaient d’un accident récent (jambe cassée je crois) et qu’il avait du mal encore à tenir debout. Ne me restait qu’à ravaler ma salive, ma fierté, etc. La critique, c’est mal. Qu’on se le dise.

Inutile de dire qu’avec ASYL, désormais, je fais gaffe. Pas qu’il faudrait se racheter quand même (quoi que), mais au moins, la prochaine fois, se documenter un peu mieux. Et surtout, écouter plus sérieusement la musique. Car après tout, c’est bien de cela qu’il s’agit.

2009, ASYL sort un nouvel album. En radio, on a droit au single Les Dieux sont des rois, aïe, rien que le titre … honnêtement, j’ai du mal. Rien de nouveau sous le soleil ceci dit : moi et les singles, hein … Pourtant, j’achète leur album, de concert avec celui de PLACEBO. Sans grande conviction pour l’un comme pour l’autre d’ailleurs. PLACEBO a les faveurs de ma platine. Une fois. Bon. Quel ennui. Deux fois. Je baille, je tends l’oreille en quête désespérée d’un son qui m’accrocherait. Rien. Courbe plate à l’enthousiasmomètre. Je passe à nos petits frenchies.

Oh ohhh. Dès le 1er titre, Mon côté sombre ( » Je n’ai jamais eu peur du noir / Les yeux fermés je peux voir « ), je sens le frémissement. De celui qui fait s’agiter les antennes et annonce l’album que l’on aimera. C’est vrai, je l’avais oublié : la voix rappelle un peu celle de Nicola SIRKIS. Il me faut désormais me forcer à l’écrire tant on l’oublie totalement au bout de quelques écoutes. Même si ASYL est proche d’Indochine (première partie à Bercy, et plus récemment à l’Olympia), cette voix là, souvent plus parlée que chantée comme pour poser son velours, est loin au delà de la comparaison. Dans une tonalité peu commune, presque entre deux, plutôt grave, à la fois masculine et douce. Séductrice et séduisante. Appuyant sur les mots ou les syllabes pour mieux souligner un propos, provoquer un peu ( » J’te connais par coeur : je sais qu’t’es con « ). Délivrant des paroles pas très heureuses (Les Dieux sont des rois), parfois. Ponctuées de véritables pépites, le plus souvent. Comme celles que l’on retient de l’ironique La triste histoire de Bugs Bunny («  Tes carottes sont cuites […] / Sous le soleil californien, petit lapin est mort de froid « ), l’érotique Comme un glaçon ( » comme un glaçon dans un bain chaud / Je n’donnerai pas cher de ma peau / […] / Je suis entre tes cuisses et tu mors mes doigts « ), ou l’urbaniste désabusé Dans la ville («  Dans la ville les gens sont bien / Ils font du bruit mais ne servent à rien / […] / Ils ne savent pas nager / Mais se noient sous la pluie « ).

Alors si on n’aime pas le single (what else is new ?), dire bien fort qu’on aime toutes les autres. Vraiment. Et beaucoup. A avoir usé et abusé du disque. Bien plus que pour simplement pouvoir en parler. Par plaisir. Et un grand, encore. Celui de réécouter cette voix et diction qui défie, celui de chanter à tue-tête le refrain de Ne plus y penser (très beau duo avec Daniel DARC dont ils furent les musiciens de tournée), celui de singer pour la millième fois les percussions de Mon côté sombre, ou de sourire à l’immanquable hommage rendu à RADIOHEAD (vous prendrez bien un peu de Jigsaw Falling Into Place pour clôturer l’album ?). Par plaisir enfin, peut être, de se dire qu’avec cette belle confirmation du deuxième album, on tient là un futur grand groupe Français.

Isatagada

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