Shaka Ponk (la première interview – 2004)

Coup d’oeil dans le rétro ! Et avec un regard perçant car ça remonte à vingt ans ! Deux décennies ! « Ce temps que les moins de 20ans… » ok ok ok. Voilà l’histoire : via LaFamily, un collectif de promotion d’artistes émergents et flanqué de mon acolyte Seb Kunz, j’interviewais Shaka Ponk précisément le 12 mars 2004 à La Scène [renommée depuis « Le Badaboum » – NDR], dans le 11ème arrondissement de Paname où ils se produisaient pour la quatrième fois en peu de temps.

On avait découvert Shaka Ponk tout d’abord sur un CD sampler du magasine RockSound en 2003 [le titre mis en avant était « Spit » – NDR]. Ils faisaient aussi partie de la B.O. du long métrage ‘’Dédales’’. Ce film n’a pas marché en salles mais il a au moins eu le mérite d’avoir une B.O. rassemblant tout ce que le Rock Français comptait alors comme fines lames. Sans être encore connu, Shaka Ponk en faisait déjà partie. Une prouesse, hum ? Il n’y a pas de hasard. On était alors venu les découvrir au concert du 23 janvier 2004 déjà à La Scène. Ce fut… une claque magistrale !

Un mois et demi plus tard, il est quasi 19h. Les balances viennent de se terminer. Le groupe se disperse. Frah, le Shaka Master, vient à nous. Serrage de mains amical. On s’installe dans un coin tranquille, près de la scène. C’est même Frah qui nous apporte les cafés. Petite cigarette ? Il ne fume pas. Ok. Tout le monde est bien installé ?
C’est parti pour une demi-heure de causerie et voici donc la toute première interview de Shaka Ponk :

‘’Magnéto, Serge !’’. [Souvenez-vous : Thierry Ardisson !NDR]
C’est tout bon. Ok Frah ?
Check check test ! [en déconnant à l’attention du mini-magnéto qu’on vient de poser sur la table, face à lui].
Celui-là, c’est nickel. Pas besoin de balances !
Ok Frah, si on te dit qu’on est venu sur un simple conseil d’ami au concert de janvier et qu’on a kiffé en même pas vingt minutes, t’es étonné ?
Vingt minutes ?
Ouais.
Et bien j’suis très content !
Ouais ?
Oui, c’est bien parce qu’en fait c’était pas évident : on a commencé le groupe avec un G4 [Souvenez-vous : les tours Macintosh !NDR], c’est-à-dire que toutes les chansons ont été faites sur un ordinateur sans qu’il y ait de musiciens. Le challenge, c’était de faire sonner ça sur scène avec des… … gens qui jouent. Des guitares et des batteries. Parce qu’au départ, c’était vachement électro ! Tout était séquencé, travaillé à l’informatique, découpé. Dans l’idée de faire un truc hyper électro-rock. Et la grosse trouille de ma vie, c’était : quand les mecs vont jouer ça, est-ce que ça va pas sonner blues ? Donc on a pas mal bossé pendant 2 mois en répet’, presque tous les jours, pour notre premier concert qui avait lieu au Glazart en juin dernier. Et ensuite on a bossé pour garder le son qui est sur la pré-prod que vous avez peut-être déjà entendu.
Non non mais on va !
J’en ai !
Yesssss.


Et, en fait, je suis maintenant assez content du son depuis 3 mois. Je trouve que c’est assez fidèle à l’esprit initial !
Mais, le côté blues, c’est carrément le truc à éviter ?
Ben, en fait, j’avais peur que ça parte trop dans du rock. Le concept de ce groupe, c’est un peu le mélange de pleins de trucs différents. Et j’avais peur, vu les influences des musiciens avec qui on bosse, que le rock prenne une place prédominante. Dans le jeu surtout ! Parce que, dans le son, c’est le but, mais, dans le jeu, entre la batterie, les guitares et la basse, j’avais peur que ça couvre un peu le côté électro.

D’accord, maintenant, il faut que tu nous expliques le principe : pourquoi ‘’Shaka Ponk’’ ?
Alors ‘’Shaka’’, en fait, c’est le shaker. C’est le mélange entre les styles… Alors y a une grosse base Rock + le « Ponk » : le punk côté mauvais garçons de la musique. Et puis des nuances World, c’est-à-dire très ethniques avec des voix tibétaines, des mélanges de sons indiens et de l’électro ou avec du rap. Mais quand même sur une grosse base de guitares !

Votre bio ? En quelques mots… ?
Alors euh… en deux mots…
Enfin si possible !
Ouais ouais. C’est faisable car elle est pas très longue. Il y a à peu près un an, je finis l’enregistrement de la pré-prod chez moi. On commence à faire une tournée des maisons de disques avec Seb [le manager – NDR]. Mais pas « on veut vendre ça » mais plus « qu’est-ce que vous en pensez ? ». On a eu des réactions tout de suite assez intéressantes. Et la grosse question, c’était : « est-ce qu’on peut vous voir en live ? » Donc là, je mime [il mime] : j’avais les boules ! [Haha].
Alors je suis allé chercher des potes, des gars qui tournent, qui accompagnent plutôt des artistes de variété française et qui ont trouvé dans ce projet un peu comme un bol d’air un peu… rock énervé. On a monté le groupe assez rapidement et on a eu ce premier concert au Glazart en juin dernier. Depuis juin dernier, on a rôdé le groupe en live en jouant beaucoup à La Scène et en province. Et, petit-à-petit, on a adapté les arrangements faits avec le groupe sur la pré-prod et sur ce qu’on enregistre actuellement à Bruxelles.
Ensuite pré-mixage au même endroit et mixage final à NYC. Tout ça avec une prod qui est venue nous voir au Glazart et qui nous suit depuis en investissant sur l’enregistrement, sur 2 clips dont le premier sera « Fonk Me » (qu’on joue pas ce soir, dommage) et sera un clip tout en 3D avec des personnages ambiance Tim Burton et nous incrustés là-dedans. Évidemment, c’est compliqué à expliquer mais c’est en cours là. Enfin, on est en deal actuellement avec des maisons de disques dont je ne peux pas vous dire le nom pour des raisons politiques mais sortie CD France et étranger maxi à la rentrée. Voilà, la bio, en gros, c’est ça !

Tu nous expliques comment tu as trouvé les musiciens ?
Alors les musiciens : Matthias, le bassiste, est un copain d’école qui fait des musiques de pub et d’la basse et que j’ai forcé à intégrer
le groupe mais il est content maintenant. Les 2 guitaristes sont des mecs avec qui j’ai joué il y a quelques six, sept ans en club en tant que batteur dans un groupe de reprises qui se nommait Big Fat Mama. Gaël a fait la dernière tournée Calogéro. Il est sensé faire la prochaine mais à mon avis, ça va pas le faire. Bob le batteur qui m’a remplacé dans Big Fat Mama quand j’en suis parti.
-J’suis bavard hein ? [Haha] Faut pas m’poser trop d’questions ! –
Et Bob le batteur donc, qui est un peu le papy du groupe. Vous couperez ça, hein ? [Haha]. Je veux dire le mentor du groupe. Le mentor ! Il était le batteur de Sortilège, groupe de hard des années 80.
Il a quel âge Bob alors ? Vas-y ! Balance !
Il a … 39, le PAPY !
On lui dira pas, hein ! Et toi ?
Moi 26. Les autres, la trentaine. Donc Bob, c’est le plus vieux mais le plus énervé aussi. Donc voilà la rencontre. Je leur ai proposé ça. Ils ont dit oui.
Et c’est bien stable ?
Ouais, c’est nickel. Les mecs ont une sacrée expérience. Ca fait plus de dix ans qu’ils jouent dans tous les styles. Les mecs de Bruxelles ont été vachement surpris de la rapidité d’enregistrement du fait de cette expérience des musiciens.

Question plus difficile : Quelles influences aimeriez-vous voir avancées par un critique qui parle de votre zik ?
Moi, j’ai toujours été très fan de Infectious Groove. Scotché dessus !. Et Bjork. J’écoute un peu de tout mais j’aime bien le gros son. J’ai accroché sur Limp Bizkit parce que mon p’tit frère qui a 19 ans les écoute… [il réfléchit] Rage ! … Red Hot !! … et euh… ça va me revenir… [Haha] Enfin fusion, métal…

C’est donc toi qui compose dans le groupe ?
Ouais. Ca marche comme ça.
Tout de A à Z ?
Tout.
Arrangements aussi ?
Disons que là, il y a vingt morceaux qui viennent tous de chez moi et on les a travaillé ainsi. C’est là-dessus qu’on a bossé tous ensembles. Mais passer d’une chambre à coucher à du live, ça fait sortir de nouvelles idées qu’on a exploitées.

On résume votre actu ?
L’album en septembre. Le premier clip en cours de tournage sur le titre « Fonk Me » qui est un morceau techno/électro/rock très festif. Un mélange. Un esprit Red Hot.

Vous avez choisi ce morceau pour le premier clip parce qu’il vous plaît énormément ou parce qu’il a été identifié comme étant celui qui plairait le plus dans la mouvance actuelle ?
Hum. C’est un morceau hyper-court, déjà. C’est ce que j’appelle un teaser, en fait. Il ne va pas revendiquer l’image du groupe mais avec ses trois minutes et son effet 3D, il va attirer l’attention car spécial. Il a un beat discothèque, si j’peux dire, il est abordable pour le grand public mais avec l’esprit Shaka Ponk et sera une introduction à ce qui suivra. Le second clip sera plus représentatif du groupe.

Est-ce que tout ça va à 100% dans le sens que vous souhaitez ? Assez vite ? Trop lentement ? Ça te convient ?
Ouais, ça va vite ! On a même pas un an d’existence. Je n’ai pas trop notion de ce qui va vite ou pas mais j’estime que ça avance bien oui. Moi, je suis très « faisons les choses doucement mais sûrement ». Sans citer de noms, on a volontairement décliné certaines propositions pour ne pas se lancer tête baissée de façon irraisonnée – notamment avec une marque de boisson….. [Haha – ok ok]

Shaka Ponk, meilleur sur scène ou en studio ?
Baaaaah… C’est tellement différent ! Par exemple, sur le CD, vous entendrez que toute la partie Rock est très découpée, très loop. En studio, par exemple, les guitaristes balancent les riffs Rock sur tout le morceau, super-contents, avec le groove et, moi, j’arrive après, j’suis un enfoiré car j’découpe tout ! Ça fait des trucs très hachurés. Il ne faut surtout pas dénaturer le style Shaka Ponk. En studio, c’est très électro. En live, c’est différent, j’vais pas découper les musiciens alors c’est plus Rock.

On peut en savoir plus sur le Funky Junky Monkey, très présent au sein du groupe ? C’est lui qui lance les samples ?
Comment expliquer ça.. En fait, avant j’étais graphiste. Et je voulais vraiment un univers complet : musique et image, un concept entier. J’trouvais qu’un espèce de singe déchiré à l’exta ou j’sais pas quoi, délirant, ça représentait bien ce qu’on voulait véhiculer comme image, c’est à dire le trip total mais jamais vulgaire.
OK. C’est donc la mascotte du groupe ? Elle va vous suivre éternellement ?
J’pense qu’elle va être en avant sur le premier album et, ensuite, elle sera omniprésente mais plus discrète [C’est plus tard que Shaka Ponk trouva un nom pour cette mascotte omniprésente : Goz ! – NDR]

Vous serez où dans 2 ans ?
Alors là, vraiment…. J’espère que.… ne serait-ce que pour les musiciens qui m’accompagnent, il y aura un…
Retour ?
Oui un retour ! Car ils refusent beaucoup de plans et ont cassé leur rythme de vie pour rester avec moi et ne gagnent pas encore bien leur vie. En gros, même si le groupe ne vend pas beaucoup d’albums, j’espère qu’il y aura bcp de live !

Qu’est-ce qu’il y a de plus important dans la vie que la musique pour toi ?
J’suis obligé de dire « ma copine » ?
Euh oui ! Haha
Ma famille !
Ta compagne te suit bien ?
Ah oui oui. Elle me pousse quand il faut. Ca fait sept ans qu’on est ensemble. Elle sera là ce soir. Elle est très Rock.

Question piège : Coté matos… Tu as quoi en stock ?
Euhh….. matos… Euh tu veux d’la beuh, c’est ça ?
Haha. C’est toi qui vois !
Non, en fait, côté matériel scénique…
Non mais c’est super sérieux car, moi, j’prends rien ! Je n’en dirais pas autant de … Papy ! [Haha]
Bon, sur scène, pas mal de samples.
Qui les envoie en live ?
Bob en envoie une partie avec des pads. J’envoie les autres. Il est question qu’on prenne un gaillard sinon pour l’avenir.

L’idée du gros breack « techno-live » (magistral d’ailleurs !!!) c’est venu comment ?
Ça, c’était justement pour rendre un peu sur scène ce qu’il y a sur le CD. Ce sera le cas ce soir aussi. On mettra toujours des breaks, des ambiances techno/électro pour contre-balancer la couleur Rock du live.

Les textes anglais/espagnols ? Why ?
L’idée, c’était vraiment de mélanger l’anglais et l’espagnol dans les textes mais aussi dans les mots. J’ai bossé avec une copine colombienne et un pote américain pour créer une langue hybride avec des sonorités américaines et espagnoles. J’aime Cypress Hill par exemple. Ca explique bien là où je veux en venir. On chante un peu de français aussi. Mais juste un peu. Et, attention, on chante pas en anglais/espagnol parce qu’en français, c’est pourri ! Non ! On le fait car ça donne une couleur particulière au chant comme on travaillerait une couleur sur un son de guitare.

Comment t’es venue l’idée d’exploiter autant ta voix en tant que sample sur les parties musicales ? Tu avais peur de t’ennuyer ?
Disons que je ne suis pas très chanteur à la base. Donc tout est venu dans le travail du son sur les voix. On travaille les voix, samples, vocoders, etc.

Votre album sort… Vous devez le définir en trois adjectifs : lesquels ?
………………………………..………..……..
Haha
Yes ! Funky junky groovy !

Quelques conseils à donner à un groupe émergent ?
Travailler bcp la scène ! Pas se montrer trop vite aux maisons de disques. Ne pas oublier que c’est sur scène qu’on fait ses preuves. Donc tourner tourner tourner le plus possible ! Dans toutes les conditions possibles ! Et gratuitement si nécessaire !

Un message à passer ?
Non non. Pas de message politique, déjà ! S’il y avait un message, ce serait que, musicalement, on peut tout mélanger et ça marche !
Ça a l’air de marcher, oui !
Les Maisons de disques ont des critères et des styles précis donc c’est pas évident. C’est même très difficile ! Mais faisons des mélanges pour apporter des choses nouvelles, justement !

On vous offre une question. Laquelle aimeriez-vous que l’on vous pose ?
Euh…. Ouais j’veux bien une bière !!
Haha

Merci Shaka Master !
Oh merci à vous ! On boira un verre après le concert, OK ??


Alors, voilà, 20 ans plus tard, on peut véritablement dire que Shaka Ponk a enfoncé beaucoup de portes pendant une dizaine d’années puis rencontré son public ! Tout n’a pas été facile et immédiat : un exil à Berlin, plusieurs labels, un changement quasi complet de line up.

Puis tout s’envola : plusieurs victoires de la musique, une bonne dizaine d’albums (studio, revisites et lives), certains disques de platine, des clips à tours de bras et cette réputation très vite acquise à juste titre de « bêtes de scène » et donc des tournées toujours plus imposantes au fil des ans remplissant les Zéniths et autres POPB (Souvenez-vous : l’Accord Arena désormais ! – NDR) et enflammant tous les festivals de France… Et, enfin, un engagement toujours plus affirmé pour la cause écologique ! C’est d’ailleurs pourquoi, disant adieu au phénomène Shaka Ponk, vous pouvez souhaiter la bienvenue et désormais soutenir The Freaks, 1er collectif d’artistes et de personnalités engagés pour la planète créé en 2018.

Alors merci Frah, C.C., Gaël, Matthias, Bob, Seb, Sam, Steve, Ion, Mandris et les labels Edel, Tôt ou Tard et tous les techos et bénévoles de ces innombrables scènes foulées par ces enragés de la communion musicale rêvant d’un monde meilleur au plus tôt, c’est à dire tout juste avant qu’il ne soit trop tard !

Et un merci vraiment spécial à Methods Of Mayhem !! Car je me souviens très bien de Frah m’avouant un jour que c’était véritablement la découverte du premier album (en 1999) de ce collectif à l’initiative de Tommy Lee qui fut le déclencheur ! Si tu ne connais pas déjà, fonce !

3 commentaires sur « Shaka Ponk (la première interview – 2004) »

  1. Article très intéressant.

    C’est un copain qui a partagé c’est article et qui a rencontré Shaka Ponk à l’époque.

    Je les ai vu pour la première fois en concert à Orléans ce jeudi 22/02/2024 et c’était une dinguerie.

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