Mike d’Inca « pas vu à la télé »

Interview de Mike d’Inca au sujet de « Pas Vu A La Télé« , ce projet visant à amener la musique dans des oreilles du public télévisé par le biais d’une compilation regroupant 70 artistes français sur 4 CD au prix d’un seul … suivez l’exemple !

Hexalive : Pourquoi avoir lancé ce projet ? Est-ce pour soutenir la scène Française ? Es-tu parti d’un constat ?

Mike : Pas forcément pour soutenir la scène française, ce n’est pas sous cet angle là que je l’ai pris. L’idée m’est venue avec « tout le bonheur du monde » quand le titre est passé sur toutes les radios et que les gens nous disaient « ça y est ça marche ton groupe, on vous a vu à la télé ! » et on leur répondait «attends, ça fait 15 ans qu’on existe, on est disque d’or sur chacun de nos albums et il y a au moins 10 ans que l’on remplit les salles». Là tu te rends compte que tu ne touches qu’une partie de la population et que le grand public n’est pas au courant. Je refuse d’en attribuer la cause au grand public, ce sont des gens qui n’ont pas le temps et pour eux ce qui ne passe pas en TV n’existe presque pas. L’idée vient de cette problématique, c’est donc un projet tourné vers le grand public pour lui faire découvrir ce qu’on ne lui montre pas à la TV.

H : Comment as-tu fais pour que tous ceux qui sont sur la compilation acceptent, car beaucoup n’avaient pas besoin de ça ?

M : J’ai passé beaucoup de coups de fil, mais quand je leur ai expliqué de la sorte, ils ont tous accepté. Puis ils ont tous conscience que s’ils sont nombreux à vendre pas loin de 100 000 Albums, ils se demandent toujours qui les connaît dans leur entourage. L’idée c’est qu’on à tous envie de faire découvrir aux gens ce que l’on fait, qu’ils aiment ou qu’ils n’aiment pas mais au moins qu’ils sachent qu’on existe. C’est pour ça que ça n’a pas été compliqué du tout de convaincre même les plus gros groupes.

H : Qu’est ce que la scène française pour toi ?

M : Pour moi la scène française, celle dont je me sens issu, c’est celle qui fait des concerts. Je ne dis pas que c’est la seule mais c’est celle dont je puisse parler. Cette scène là vit pour ceux qui s’en sortent et survit pour les autres. En tout cas je pense que l’immense majorité de cette scène le fait plus par passion que par carriérisme. Elle se bouge, certes elle n’est pas complètement unie mais elle essaye de se donner des coups de main, et c’est ça qui nous plaisait dans ce projet : rapprocher tout le monde.

H : Il n’y a pas un morceau qui nuise à l’ensemble, tu as fais un choix des morceaux ?

M : Oui l’ensemble est cohérent, et pourtant ce n’est pas nous qui avons fait le choix des morceaux. Ce n’est pas une longue réflexion du type  « essayons que ça fonctionne ». Comme tu peux le voir les titres sont classés par ordre alphabétique et nous avons laissé le choix des titres aux groupes.
Je veux faire une photo la plus objective possible, sans faire entrer mes goûts en compte et sans prévoir un ordre qui soit plus vendeur. Je n’ai pas de jugement artistique à mettre dans ce projet. Je ne veux pas faire de distinction entre le groupe qui vend 100 000 albums et le groupe qui en vend 5000.

H : Et à partir de ça tu pense réitérer l’opération, où ça tient plutôt du coup de gueule ?

M : Y a un peu de ça, le côté coup de gueule, mais il y a aussi que je suis très perplexe sur le fait que France 2 nous propose de faire découvrir la scène française tous les samedis soirs. Sachant que ça n’arrivera pas, j’essaye d’amener l’alternative : « si la télé ne vous fait pas connaitre de nouveaux groupes, vous pouvez toujours en découvrir 70 pour pas trop cher ». C’est une possibilité de repli.
Après nous pouvons développer ça sur le long terme, des concerts sous l’égide de pas vu à la télé, participer à la programmation de festivals comme il nous a été proposé… il y a des gens qui nous soutiennent sur le terrain et c’est bien. Je veux bien être le déclencheur du phénomène, OK j’ai lancé le truc c’est super mais après que les gens m’aident à le développer c’est important.
On sait très bien depuis le début que ce n’est pas une opération financière très intéressante pour nous et même si ça marche bien, j’ai une jeune structure à soutenir, il y aura peut être des suites mais c’est un projet lourd.

H : Et au niveau des ventes, tu as pu rentrer dans tes frais ?

M : Rentrer dans mes frais oui, dans le sens que nous n’aurons pas perdu d’argent mais à condition de ne pas prendre en compte le temps passé sur le projet. Si j’avais une optique financière je n’aurais pas monté le projet et la personne qui a bossé dessus se serait occupé d’autre chose. Donc on le refera avec plaisir, si la structure peut se le permettre mais du coup on ne le fera pas tous les six mois, et tous les ans ça me parait bien lourd. Peut être qu’un jour on le fera pour les artistes solo … On a eu de bon retour du grand public, alors je me dis que dans deux ans, si on revient avec une nouvelle compilation, les gens qui ont apprécié seront contents de découvrir de nouvelles têtes.
Après, en ce qui nous concerne au niveau d’Echo Prod, il y a un besoin de soutenir nos artistes jusqu’au bout et de prendre du temps pour ça.

H : En tout cas le mouvement est lancé est la démarche aura servi d’exemple.

M : La compil est une bonne arme de découverte et en ce qui concerne le rock. Ce sont souvent les 10 tubes du moment (qui sont déjà plus que découverts) qui composent les rares compilations qui sont sorties à l’heure actuelle. Il faut savoir qu’un journaliste sur un gros média m’a dit « super bien les Ogres de Barback » « mais vous ne connaissiez pas les Ogres ? » « non » … il y a plein d’exemples comme ça, plein de choses incohérentes.

H : Quel sera le visage de l’industrie musicale dans 10 ans ?

M : Tout d’abord, tu ne peux pas dissocier l’industrie musicale de la société dans laquelle elle évolue. Nous sommes dans une société qui penche vers encore plus de consommation, qui plus est une consommation immédiate : je tape, je clique, d’où le titre par titre parce que « fast food ».
J’ai super peur pour plein de raisons en ce qui concerne la musique dans 10 ans.
J’ai peur à cause des présidentielles qui arrivent, car je vois de moins en moins de salles et de moins en moins de bars. Ça me fait peur pour l’évolution de la musique sur le terrain. Il y a aussi une jeune génération pour qui la musique doit être gratuite. Cette notion est fortement imprégnée et même pas cher c’est trop cher, mais on oublie les coûts pour créer et faire connaître cette musique. La notion de musique gratuite je veux bien mais ce n’est juste pas possible !
Ça me fait de la peine de me dire que dans dix ans le CD sera l’équivalent du vinyle aujourd’hui et c’est triste car j’aime l’objet. Je suis globalement inquiet sans être pessimiste car il y aura toujours des gens qui se bougent.

H : Qu’est que tu aimerais, en tant qu’artiste, voir se mettre en place pour te soutenir ?

M : La chose qu’on ne peut toucher étant la scène, j’aimerais au moins qu’on préserve les lieux de diffusion. C’est un drame les salles qui ferment car les concerts sont le seul moment où tu ne triches sur rien et où on n’est pas dans un bien de consommation. Il s’y passe quelque chose d’humain, de toute façon quand la personne se déplace, elle se met dans les conditions, elle reçoit logiquement et elle est sensé donner en retour. Pour moi tout devra continuer à passer par la scène, et ce de plus en plus (bien que ça soit de plus en plus difficile).
La scène est le seul vrai moyen d’aller chercher les gens.Je n’ai pas de mesures concrètes à te fournir et je n’ai pas «la» solution, mais j’aimerais que tous les passionnés fassent leurs petites actions à leur façon.
Quand aux artistes qui débutent je voudrais leur dire « n’attendez rien des autres, il n’y a que vous qui pouvez vous faire avancer ». Depuis pas vu à la télé il y a des groupes qui me contactent pour me dire qu’eux aussi ne passent pas à la télé et quand je leur demande ce qu’ils ont fait pour y accéder ils me répondent qu’on ne leur propose rien !


A bon entendeur …

Williams.

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