Christophe Bourry, patron du festival « FuriosFest »

Rencontre avec Christophe Bourry, patron du festival FuriosFest. L’occasion de parler de l’envers du décor d’un festival, de l’implantation locale, de l’organisation… Nous reviendrons également sur les Triomphes du Metal Français où Christophe était juré.


Christophe Bourry, son parcours

Bonjour Christophe ! Enchanté et merci pour cette interview. Est-ce que tu peux nous raconter déjà ton parcours jusqu’au FuriosFest, ainsi que la génèse de celui-ci ?

Pour la faire courte, j’étais chauffeur routier pendant trente-trois ans. Comme je suis travailleur handicapé, avec des gros soucis au niveau de la colonne vertébrale, je devais avoir un reclassement professionnel. Mais le covid est arrivé, ce qui a compliqué ce projet.
Étant ancien musicien (batteur), j’avais toujours rêvé de monter un festival par chez nous pour faire connaître ma musique et faire découvrir ma région. C’était l’occasion. C’est ainsi qu’avec Ernault nous avons décidé de monter avec nos proches l’association Cantal Crossbones et de créer le FuriosFest.

Mais comment faire quand tu es en plein confinement, et que tu vas à l’opposé de tout le monde ?
Heureusement, j’ai eu la chance d’avoir une personne comme Philippe Courtois de Misanthrope qui m’a conseillé. On se connaissait par l’intermédiaire de ma femme car ils étaient en primaire ensemble. Et également avec le soutien de Yoann le Nevé, du Hellfest. On s’est rencontrés par les réseaux et on a sympathisé. Je suis retourné « à l’école » pour faire la formation de régisseur de production (Les formations d’Issoudun), dont j’ai été diplômé.

Nous avons monté une première édition du FuriosFest en 2021. On n’en attendait pas grand chose, c’était histoire de mettre un peu de metal à Saint-Flour. Le succès a fait qu’on a monté une deuxième édition, et cette année on fait la cinquième.
L’année dernière, l’édition qui est passée en plein air a tout explosé au niveau rayonnement, diffusion, visibilité… Nous avions Zegut comme parrain, et il s’est tellement plu qu’il rempile pour cette année. Yoann le Nevé a de son côté été agréablement surpris, car passer en open air n’est vraiment pas simple. Il a salué notre professionnalisme et l’organisation très structurée.
Bref, on est vraiment content de ce qui s’est passé !

Le FuriosFest et l’implantation locale

Comment ça se passe au niveau local ? Est-ce que c’est compliqué ou est-ce qu’il y a du soutien ? Comment le festival est perçu ?

Sur notre première demande à la mairie, on a été perturbés

On est totalement soutenus ! D’ailleurs sur notre première demande à la mairie, on a été perturbés car on s’attendait à un refus et ils ont dit oui à tout. A ce moment là, on n’avait pas encore monté l’association, on n’avait pas le visuel de l’affiche… Du coup tout s’est accéléré très vite derrière.
On a vraiment de la chance d’avoir le soutien des élus (de la mairie, du département, de Saint-Flour communauté, de la région…), ils viennent tous les ans sur le site. Et au niveau des habitants, on est identifiés, les Sanflorains sont fiers d’avoir ce festival.

Les festivaliers au FuriosFest
Festivaliers au FuriosFest – Photo : Cyril Planard

D’ailleurs, comment ça se passe concrètement. Car ça doit engendrer pas mal de problématiques de circulation, de stationnements, de sécurité, de gestion de l’espace public ?

Même pas ! On dirait que le site a été fait pour ça. Les premières années, c’était dans un gymnase. On a pu fermer tout ce qu’il y avait autour, il y avait quand même une école primaire et un Ehpad dans le lot.
L’année dernière, c’était en plein air, pas loin de pavillons. Il y a une soixantaine de maisons, on a fait du porte à porte, on a toqué chez tout le monde pour expliquer. Et cette démarche a été très bien reçue, ils avaient des laisser-passer pour aller et venir, et on leur a offert des pass pour le festival.
Et ça marche car ils viennent, ils consomment, ils connaissent le festival et ils prêchent ensuite « la bonne parole » autour d’eux. Car le mec qui écoute du metal, il voit l’affiche, s’il est intéressé, il vient. Mais je m’intéresse beaucoup à ceux qui ne sont pas de cet univers.

Sur le festival, on est 85 bénévoles. Et sur tout ceux là, 90% n’écoutent pas ce style de musique. Mais on a réussi à créer une grande famille. La plupart sont de Saint-Flour, on est en communication toute l’année, on se souhaite les anniversaires… Ça fait du lien social sur la commune.

Le passage au plein air

Paradoxalement, on a même moins galéré que sur les éditions précédentes

Justement, ce passage en plein air, j’imagine que ça a ramené pas mal de contraintes logistiques ?

La plus grosse contrainte a été sur le plan financier, car on a multiplié par trois le budget. Après, sans être prétentieux, on est vraiment une bonne équipe avec des gens très carrés. J’ai beaucoup délégué, on a chacun nos rôles, nos postes. Tout le monde sait ce qu’il a à faire.
Et paradoxalement, on a même moins galéré que sur les éditions précédentes. On avait un partenaire cette année (Loxam) qui nous a fourni du matériel motorisé. On n’a donc pas fait tout à la main comme avant. Mais c’est sûr que le montage qui prenait deux jours prend maintenant une semaine avant et une après.

On a eu de très nombreux retours positifs de la part de tout le monde : festivaliers, artistes, bénévoles…

Organisation du FuriosFest

Je mange, je dors, je vis FuriosFest

Comment ça se passe une année type entre deux éditions ?

Je mange, je dors, je vis FuriosFest, 365 jours dans l’année. J’essaie de faire des pauses, mais je vis tout le temps dedans. Avec Ernault, on met en place les bases, et ensuite au fur et à mesure qu’on avance les autres membres de l’association interviennent en fonction de leur poste (c’est très collégial).

Quand une édition se termine fin août, on fait le bilan, et on fait une pause en septembre. En octobre, novembre, on va s’occuper de la programmation, sauf les têtes d’affiche si c’est déjà fait. En décembre et janvier, on remet le nez dans les subventions. C’est le moment également où il faut commencer les contrats. En avril ce sont les accréditations. Bref, ça s’arrête jamais vraiment.

Pour la programmation, ce sont les tourneurs qui vous démarchent, ou c’est vous qui faites le choix parmi les artistes que vous avez repéré ?

Il y a les deux. Je reçois des demandes de groupe tous les jours. Et il y a des groupes qui m’intéressent.

Le budget et les festivaliers du FuriosFest

Tu parlais du budget, comment ça se répartit entre les cachets, la billetterie, les subventions….

En terme de dépenses, le plus gros ce sont les cachets des groupes. Ensuite les cachets techniques (son, lumière, scène). Et enfin tout ce qui est hébergement, nourriture et assurance.
Au niveau recettes, il y a la billetterie, le bar, le merch.
Les trois premières éditions en salle se sont finies avec un bilan positif …voire plus.
La quatrième édition nous a fait franchir un cap (que ce soit en terme de visibilité, de notoriété, fréquentation etc…). Côté financier, nous avons presque fini à l’équilibre, et nous sommes fiers au vu de l’expansion du budget lié au passage en plein air.
Mais avec l’édition de l’année dernière, on commence à avoir des retombées, avec du mécénat qui arrive. On a signé un gros partenariat aussi avec le Crédit Mutuel. J’ose espérer qu’on est partis sur de bons rails.

Je suis fier d’un truc. C’est de faire découvrir mon univers à ma ville, et ma ville à mon univers.

Au niveau des festivaliers, est-ce que vous avez des statistiques sur leur provenance géographique ? Est-ce que vous avez beaucoup de locaux, ou majoritairement des gens qui viennent d’autres régions ?

On sait tout car on demande aux festivaliers. Pour donner un chiffre, on est à environ quatre-vingt pour cent de personnes qui viennent de l’extérieur (en dehors de l’Auvergne). On a beaucoup de personnes ensuite de Toulouse, de Narbonne, de Vendée, des marseillais, des niçois… Également des personnes qui viennent de Lyon ou Paris.
Je suis fier d’un truc. C’est de faire découvrir mon univers à ma ville, et ma ville à mon univers.

Le FuriosFest 2025

Est-ce que tu peux nous présenter cette édition qui arrive en 2025 ?

Oui, bien sûr. Déjà, le festival c’est samedi-dimanche, mais il faut savoir qu’à Saint-Flour, il y a de l’animation tout l’été. Les jeudis c’est ginguette normalement, avant le festival ce sera un concert metal avec le groupe Tellure. Les vendredis, il y a des concerts rock et autres sur les terrasses des cafés de Saint-Flour.

Concernant le festival à proprement parler, le samedi on aura Dark Tranquility en tête d’affiche. Je n’en reviens toujours pas d’avoir ce groupe à Saint-Flour ! Le dimanche soir, on clôturera le festival avec une des grosses pointures de la scène metal française qu’est Rise of the Northstar.

Et comme je n’ai qu’une parole, ils sont là !

En co-liner, on fait venir No One is Innocent qui sont sur leur tournée d’adieu. Et Slomosa. Avec Black Rainbows, ce sont deux groupes de stoner, une scène musicale que j’apprécie tout particulièrement.
Il y aura Smash Hit Combo, on fait venir également Destinity qui était tête d’affiche de notre première édition. Mick nous a beaucoup aidé à l’époque, et je lui avais dit : « Si on fait une cinquième édition, vous en serez » . Et comme je n’ai qu’une parole, ils sont là !

Sinon Mercyless, Killus, Datcha Mandala, Bloodorn, groupe de power metal avec Nils Courbaron, guitariste de Dropdead Chaos. Charcoal, groupe parisien avec Stéphane Labas, le patron de l’Empreinte. Egalement les locaux de Tarld. Et enfin Sweet Needles, Blooming Discord et Ask Your Mom.

L’affiche est très éclectique parce que j’écoute de tout.

Le futur du FuriosFest

Comment tu vois les festival évoluer dans les prochaines années ?

Avec l’arrivée du Crédit Mutuel, on a un partenariat qui est vraiment dans un esprit d’accompagnement, pour nous faire monter. Après, il n’y a pas que l’aspect financier.
L’année dernière, on a fait neuf cents personnes par jour. Cette année, on vise trois ou quatre cents personnes de plus.

Les festivaliers et les enfants au FuriosFest
Festivaliers au FurioosFest – Photo : Cyril Planard

Si on pérennise le festival à hauteur de deux mille cinq cents, trois mille par jour, on serait déjà très bien

Ils nous avaient posé la question de savoir si on serait capable d’accueillir cinq mille personnes par jour. Sur le site, oui. Je pense que dans quelques années, on en serait capable également.
Après, je ne sais pas si cinq mille personnes c’est un idéal, déjà si on pérennise le festival à hauteur de deux mille cinq cents, trois mille par jour, on serait déjà très bien.

Les Triomphes du Metal Français

Rien à voir avec le FuriosFest, mais on t’a vu en tant que juré dans les Triomphes du Metal Français. Comment s’est passé ta sélection et ton intégration dans le jury ?

Je connaissais déjà Arthur d’avant, il m’appelle le daron. Vu son âge il pourrait être mon fils. On s’est vu au HellFest, il est venu jouer ici l’an dernier (ndlr : avec son groupe Alternight). Et il m’a proposé de venir.
Je lui ai dit que je ne connaissais pas trop cette scène-là, mais je suis curieux. J’ai donc quitté mon Cantal et je suis allé à Lille.


Avant ça, il nous avait envoyé toute une liste de groupes, une centaine, à noter. Les notations étaient très pointues (la chanson, la ligne de voix, les instruments…). J’ai découvert de très bons groupes, et ça s’est très bien passé.
Et avec Corentin (ndlr : Charbonnier, juré avec Christophe), on est de la même génération, Musclor de Hyraw également. On s’est très bien intégrés avec les jeunes, le mélange s’est bien fait.

Les notations étaient très pointues

On a eu beaucoup de conversations, je lui disais que pour les anciens comme moi il fallait quelque chose, c’était très axé jeune sur la sélection. Après, ils ont fait aussi avec les candidatures qu’ils ont reçus. J’ai vu que dans les Trioff ils ont ajouté une catégorie « Légendaire » après. Car le mec qui écoute Misanthrope, il n’écoute pas forcément RevNoir.

En tout cas, très belle expérience, et content d’avoir été sollicité pour mettre aussi en lumière le festival.

Tu disais que tu avais découvert plusieurs groupes, tu pourrais nous en citer un ou deux ?

Il y a Alta Rossa que j’ai découvert, Azelma aussi. Et également Stinky, d’autant que Clair était juré. Ils m’ont agréablement surpris, j’ai acheté l’album. Et voir mes amis de Furies était aussi une agréable surprise !
On a vraiment une super scène.

On a vraiment une super scène

Il y a quelques années, au niveau de la production, tu savais quand c’était un groupe français. Maintenant, le niveau est homogène, tu mets un groupe français à côté de groupes étrangers, je te mets au défi de savoir qui est qui au niveau production.
On n’a pas à rougir car on a un vrai savoir-faire.

Ça ne doit pas faciliter la sélection de l’affiche du FuriosFest ?

Non, ce n’est vraiment pas évident. On n’a que seize places. Une fois mis les deux têtes d’affiche, les co-liners, il reste dix places. Et je reçois des demandes en moyenne d’une vingtaine de groupes par semaine. C’est énorme.

J’aimerai passer à une deuxième scène, mais ce ne sera pas pour tout de suite. Là, le projet à plus court terme c’est de rallonger le festival et de passer sur trois jours.
Après, c’est comme tout, c’est une histoire de budget.

Un dernier mot pour conclure cette interview ?

On est contents et fiers d’arriver à fidéliser les gens et les faire venir dans notre département et notre ville. Sans les bénévoles, le public, les partenaires, on n’en serait pas là. On est resté les pieds sur terre, la tête sur les épaules et on avance. A titre personnel, je vis un rêve depuis quatre ans et demi.
Quand tu vois les sourires des gens, le nombre d’enfants qu’on a eu sur le festival, et les bons retours, c’est génial.

La joie et les sourires au FuriosFest
Les sourires au FuriosFest – Photo : Cyril Planard

Merci à toi et HexaLive de mettre en lumière le festival et de nous soutenir !

Interview réalisée par Arnaud Guignant

Retrouvez sur HexaLive l’édition 2023 et l’édition 2024 du FuriosFest




3 commentaires sur « Christophe Bourry, patron du festival « FuriosFest » »

  1. Bravo à Christophe pour ce festival en devenir.
    Merci Hexalive de couvrir nos festivals en France.
    Rendez-vous au Mauges Pit Fest IV
    Stay metal, stay hungry !
    Fabrice
    Président du Mac’N Roll Metallicus

    1. Merci pour le commentaire Fabrice !
      Très heureux de notre côté de couvrir des festivals comme le FuriosFest ou le Mauges Pit Fest !
      On sera encore là cette année aux deux normalement 🙂

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