Quand les lycéens sont passionnés de rock, les plus vieux auraient tout intérêt à ne pas baisser la garde, sous peine de se faire piquer la place. Le Festival des Mains Sales à Palaiseau, pour sa troisième édition, proposait une affiche de choix pour mettre en valeur deux groupes de l’association.
‘La première année, on a fait jouer quatre formations du lycée‘, nous dit Matthieu, veste en jean et keffieh, le jeune chef d’orchestre de l’opération, visiblement stressé par l’enjeu. ‘L’année dernière, Mon côté Punk est venu, et cette année c’est Fancy et Pravda‘. Ses yeux brillent de fierté (il peut) mais il s’excuse et nous quitte presque aussitôt pour régler un énième détail avant l’ouverture des portes. Il y a du retard sur le planning, et à presque 21h, l’immense tablée (près de 40 personnes) finit tout juste la salade de fruit géante faite maison, merci à la maman d’un bénévole. Puis on empile les chaises et c’est l’ouverture des portes, tandis que le préposé à la prévention contre l’alcool au volant termine l’installation de son stand.
C’est Big Money Makers qui ouvre le bal, avec un chanteur qui -s’il vous plaît-, s’est offert le Zénith de Paris avec les Baby Shambles à la suite d’un concours organisé par le journal METRO. Luc (c’est son nom), parle bien entre chaque titre et semblerait parfaitement à l’aise si une certaine rigidité ne le trahissait pas un peu. De morceau en morceau néanmoins, le groupe (deux guitares, basse, batterie, et des cuivres en spécial guest) se libère de plus en plus et produit un son impressionnant malgré la configuration ‘salle des fêtes’ qui ne leur rend pas tout à fait justice. Le guitariste, pour l’occasion, porte le tee-shirt des Fancy, et au final, pour une entrée en matière, j’avoue être bluffée par ce que j’ai pris dans la tronche (mention spéciale pour la reprise de Prince, Let’s Go Crazy, comme pour le morceau ‘cuivré’ façon Madness).
Très attendus, Fancy débarque ensuite en habits de scène. Un(e) bassiste à l’identité sexuelle ambigüe, un guitariste au look de mannequin, un batteur qui manie la baguette (et le tirage de langue) comme un Dieu et surtout un Jessie-leader à la voix gigantesque, au look incroyable et à l’énergie surnaturelle. Les Fancy sont, à mon sens, les dignes successeurs de Dionysos au rang de ‘meilleur groupe de scène français’. Le festival (car s’en est un) que nous servent ces quatre là oscille entre numéro de cabaret-rock (les plumes !) dont n’auraient pas rougi les Queen de la grande époque et, si je paraphrase un américain éploré de les avoir manqué aux US lors de leur tournée en première partie de Justice ‘Led Zeppelin, T. Rex, Prince, Japan, and Gun and Roses all rolled up into one band’ ! C’est puissant, c’est généreux, c’est sexy, c’est drôle et méchamment carré à la fois mais surtout on s’amuse, on danse, et le plaisir est ENORME !
On se demande comment Aglaaté va pouvoir prendre la suite, et pourtant ! Après une intro bien malsaine (les pleurs d’un nourrisson dans une ambiance d’outre tombe, rappel pour le disque et le fétus de sa pochette), je suis obligée de ravaler mon regard amusé sur le chanteur de la formation quand ce sosie de Brian Molko, au look hyper étudié, nous sort une voix de métaleux à scotcher au mur le plus détracteur de ce genre là. C’est très personnel sûrement, mais j’aime le style, et j’apprécie d’autant plus la performance que les paroles sont en français. AC/DC en version punk gothique, avec une fille qui assure à la batterie et un guitariste déchainé qui occupe l’espace avec un plaisir manifeste (et communicatif), bref, ne serait-ce pour les blancs qui cassent un peu l’ambiance entre les morceaux, on les verrait bien de suite au Zénith eux aussi !
Il est minuit passé et les deux membres de Pravda clôturent la soirée. J’ai toujours du mal avec la batterie enregistrée sur ordi, d’autant que celle des Fancy, sur laquelle ont pris leur pied les groupes précédents, est décidément très belle et ne demande qu’à être maltraitée. Las, pour la séance de domination, Sue s’en occupe, merci bien ! En cuir et gros sparadrap noir en guise de soutien gorge, elle donne la réplique à un Mac aux cheveux teinte Billy Idol qui assume très largement sa part du contrat. On aime ou on n’aime pas le style volontairement dur et tendu du groupe, mais à l’évidence, les tubes potentiels se succèdent (l’album est excellent, qu’on se le dise). Le final, visiblement, est attendu de certains habitués qui n’en perdent pas une miette. Là encore, chacun son truc, et pour ma part la qualité du set et l’énergie du duo qui se donne tout entier se passerait volontiers des arguments de vente périphériques. Sex et Rock n Roll baby. Okay !
Le prix spécial ‘la valeur n’attend pas le nombre des années’ revient à Matthieu, pour terminer, ainsi qu’aux bénévoles du FSE Camille Claudel. On se prend à rêver que demain, à la tête de l’industrie du disque (qui n’en sera peut être plus une), ceux-là auront su conserver leur engagement et leur enthousiasme intact pour nous offrir d’autres moments de cet acabit. Amen !
Isatagada