À l’occasion du festival Les Arts en Mêlent, nous avons eu le plaisir, avec Johanna, de rencontrer Spelim, un artiste singulier à l’univers riche et sensible. Entre confidences et inspirations, il s’est livré à cœur ouvert sur ses envies créatives, ses influences musicales, et nous a plongés dans l’univers de son dernier album. Une rencontre authentique et pleine d’émotion, à découvrir à travers cette interview.
Tu es multi-instrumentiste, auteur, compositeur, producteur. Quelle étape du processus créatif te procure le plus d’émotions ?
Je réfléchis tout comme un ensemble, et du coup, le kiff, je le trouve un peu partout. Un des trucs qui m’éclatent le moins, je crois que ce sont vraiment les réseaux sociaux quand il faut les gérer.
Produire le contenu, j’aime beaucoup. Surfer sur ce qu’il y a, j’aime bien aussi. Mais prendre mon téléphone et passer du temps dessus juste pour poster des trucs, ça me saoule un peu.

Tu mélanges reggae pop électro hip-hop… Quelles sont tes influences majeures, conscientes ou inconscientes ?
Alors, les influences conscientes, si je dois citer des noms : Gorillaz, Damon Albarn… Vraiment, j’aime beaucoup ce qu’ils font, ce côté délire un peu incroyable.
Il y a aussi beaucoup de choses en Angleterre en ce moment, autour de la nouvelle drum and bass et d’autres courants qui émergent. Franchement, beaucoup de trucs qui m’excitent vraiment. Incroyable.
Et puis, dans l’inconscient, je pense qu’il y a toute ma culture de quand j’étais gamin, ce que j’écoutais avec mes parents. Notamment du gros reggae à l’ancienne : Gregory (Isaacs), Zach, Burning Spear, plein de trucs comme ça, tu vois.
Je cherche à faire de la musique qui parle à la tête, au cœur et au corps
La Dread pop que tu proposes elle semble autant sensorielle qu’émotionnelle. Comment définirais-tu ce genre à quelqu’un qui ne t’a jamais écouté ?
En fait, il n’y a pas vraiment de genre, je crois. C’est un truc contre lequel je me bats, pour moi. Je cherche à faire de la musique qui parle à la tête, au cœur et au corps — donc une musique sensorielle, et, comme tu l’as dit, émotionnelle, c’est très juste.
J’essaie de garder quelque chose de fort, quelque chose qui reste dans le corps, dans le mouvement… dans la danse.
L’importance du visuel dans ma musique, elle est vitale pour moi
Ton univers est très visuel. Quelle place occupe l’image dans ta musique et tu travailles tes clips comme des œuvres à part entière
Je pense que c’est une question qui peut être réciproque : quelle place prend la musique dans l’image que je travaille ? Tu vois, parce qu’en vrai, comme je te disais, je travaille le truc comme un tout. C’est quelque chose qui m’excite vraiment.
Ce n’est pas pour rien que je suis venu avec un graffeur ce soir. Il est tout le temps avec moi en tournée, il fait du body painting sur les gens, et on a une dimension visuelle vraiment très forte et importante. Elle est présente sur les réseaux sociaux, mais aussi en live.
L’importance du visuel dans ma musique, elle est vitale pour moi. Je suis photographe, je prends mes propres photos, j’ai un studio photo chez moi, j’ai tout ce qu’il faut dans mon garage avec mes outils, mes trucs, mes machines… Enfin tu vois, on fait les choses à fond, on se fait plaisir.
Et là, notamment avec le nouvel album qui s’appelle In Art We Trust , l’image fait vraiment partie intégrante du projet.
Et ça, ça fait plaisir. Merci !
Tu abordes des thèmes comme le deuil, le doute, douceur et groove. Comment trouves-tu l’équilibre entre légèreté musicale et profondeur des textes ?
Ouah, tu poses des questions hyper pertinentes. En fait, je ne crois pas que je cherche à faire quoi que ce soit. Je crois que c’est quelque chose qui vient un peu comme ça, naturellement. Et s’il y a un équilibre, c’est peut-être parce que je suis quelqu’un d’équilibré — et ça, ça fait plaisir. Merci !
Est-ce qu’il t’arrive d’écrire un morceau sans chercher à plaire, juste pour te libérer d’une émotion ?
Je fais que ça en fait. J’ai discuté avec un mec qui s’appelle Flox — je ne sais pas si tu connais — c’est un artiste qui fait du reggae en anglais. Il est incroyable, adorable, hyper sympa, et il fait des trucs de ouf.
Et ce mec-là m’a dit : « Si tu ne fais pas de la musique pour le plaisir, ça ne sert à rien d’en faire. »
Et en fait, ouais, si tu fais de la musique pour plaire, ça ne sert à rien. Tu vas te faire chier. Ce n’est pas juste une question de pression, c’est que tu te fais chier.
Du coup, pour moi, toute forme de créativité, si elle n’est pas d’abord et avant tout là pour t’épanouir et t’éclater… zéro intérêt. Tu vois ?
Donc je ne fais pas de musique pour plaire. Vraiment, vraiment pas. Si ça plaît, tant mieux, tu vois. Et si ça ne plaît pas… tant pis. Mais si ça ne plaît pas, je ne serais même pas là pour en parler.
Donc j’ai de la chance que ce que j’aime, d’autres personnes l’aiment aussi. Tu vois ?
J’ai vraiment foi en la créativité du quotidien
Tu décris ton album comme un hommage à l’art sur toutes les formes. Qu’est-ce que tu espères que les gens ressentent ou comprennent en vivant ton univers, que ce soit en concert ou en l’écoutant chez eux ?
Mon album s’appelle In Art We Trust — ça veut dire j’ai foi en l’art. Et ce truc-là est super important pour moi, parce que quand j’entends “art”, je pense à la créativité.
Et j’ai vraiment foi en la créativité du quotidien. Celle de tout le monde, pas juste celle des artistes, tu vois ? Je pense qu’on est tous créatifs.
Au quotidien, on invente des petits trucs, dans notre manière d’être avec les gens qu’on aime, ou qu’on n’aime pas… Dans tous ces moments où on se dépasse un peu, où on tente des trucs — c’est là-dedans que j’ai confiance.
Je pense que c’est ça qui fait qu’on s’éclate, qu’on s’épanouit. Y a plein de choses évidemment, mais moi j’ai foi en ça. Je ne cherche pas à ce que tout le monde devienne artiste, ce n’est pas ça qui m’intéresse. Mais ce petit truc-là, qui fait que la vie est cool, je crois vraiment que ça vient de là.
C’est ça que je prône dans In Art We Trust. J’ai foi en la créativité, parce que je pense qu’elle a un effet bénéfique sur tout le monde, tout le temps.
On a fait un concert avec eux. Et c’était incroyable. Vraiment incroyable.
Quelle a été ta plus belle rencontre ou moment de connexion avec ton public jusqu’ici ?
Donc si je ne dis pas « Les arts s’en mêlent », je me fais tuer, je crois, c’est ça ? 😄
Alors, on a vécu un truc hyper chouette : c’était un concert à Montbrison, dans le 42, organisé par des jeunes d’une salle — je ne sais pas, peut-être une asso de jeunes.
Ils avaient un peu oublié de communiquer : pas d’affiches, pas de flyers… Y avait qu’eux, et nous. Tu vois ?
C’étaient des gamins, genre 10-12 ans, des tout petits, accompagnés par une maison des jeunes. Et on a fait un concert avec eux. Et c’était incroyable. Vraiment incroyable.
On a tellement kiffé, tous. On était dix. C’était un vrai moment de partage. Un vrai chouette moment, vraiment fort.
Si tu pouvais collaborer avec un artiste de n’importe quel univers (musical ou non), vivant ou mort, qui choisirais-tu et pourquoi ?
Je choisirais Ravel. Pour moi, le Boléro, c’est le meilleur morceau au monde.
Faire de la musique avec quelqu’un ? Oui, ce serait avec lui. Vraiment. C’est complètement à l’opposé de ce que je fais, mais encore une fois, je te parle de partage. Et je pense que des mecs comme ça, tu peux discuter avec eux.
Tu prends un gars comme lui, tu le mets en 2025… Imagine ce qu’il pourrait faire avec la technologie d’aujourd’hui, en termes de création. Franchement, ce qu’il te sortirait… Déjà, à son époque, il a révolutionné le truc. S’il était là aujourd’hui, moi, je voudrais direct être pote avec lui.
Direct : Ravel.
Ce serait incroyable.
Quel rêve artistique tu n’as pas encore réalisé mais que tu comptes bien concrétiser dans les années à venir ?
Quel rêve artistique ? En fait, ce que j’aimerais vraiment faire, c’est pouvoir faire un concert avec un vrai concept visuel. Je travaille avec des artistes — comme je t’ai parlé, la team Rino Coffee — des street artistes qui font des trucs de ouf. Faut vraiment les voir à l’œuvre.
Et si un jour j’ai l’occasion de faire un concert où ils sont quinze derrière à peindre un énorme immeuble éclairé en live… ce serait incroyable.
Ça me ferait vraiment kiffer. Je pense qu’il y aurait un vrai truc immersif, un moment unique pour tout le monde.
Et si possible, qu’ils utilisent de la peinture qui réagit aux UV. Tu peux faire des trucs de dingue avec ça : une double lecture du décor. Genre, tu vois rien au début, et à la fin, tu allumes les UV… et là, c’est un autre décor qui apparaît.
Ouais. Ça, ce serait un vrai rêve
Et voilà, tu auras répondu à toutes nos questions avec sincérité et générosité.
Merci encore pour ta disponibilité et ce bel échange !
Jean-Michel (insta)