A la suite des interviews croisées du GuitarFest, et l’arrivée d’Alice Animal au sein du groupe Cachemire, l’occasion était belle d’échanger avec elle autour de tous ces sujets.
Alice,
En ce début 2025 [NDR : oui, l’entrevue a eu lieu mi-janvier], c’est le fait d’apprendre que tu rejoins le groupe CACHEMIRE notamment en les accompagnant lors de leur tournée à venir pour défendre leur nouvel album qui nous a fait venir à toi. Alors qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Tu remplaces donc Sven Kaballero ?
Oh mais peut-on seulement prétendre remplacer Sven ? (lol)
La rencontre avec Cachemire
Déjà, comment connais-tu CACHEMIRE et comment en êtes-vous venus à imaginer cette collaboration ? Quels sont les atomes crochus ?
Un jour, on part avec mon trio faire un concert dans le nord pour un festival qui s’appelait “Le Grand Tintouin” et qui a été… euh… quelque chose pas loin d’un fiasco quand même. La personne qui a organisé ça était vraiment pleine de bonne volonté, quelqu’un de très gentil et qui avait vraiment envie de faire un beau festival. Il avait mis des moyens de folie dans le matériel et dans la scène. C’était digne de la Fête de l’Huma – que j’ai faite il y a pas longtemps – sauf que niveau public il n’y avait absolument personne donc ça a été vraiment très très compliqué.
Ouais, j’imagine.
J’aime beaucoup ce que vous faites !
Et il y avait dans la programmation CACHEMIRE qui jouait un peu plus tard que moi. Je ne les connaissais pas. J’ai donc fait mon concert devant très peu de personnes. Tu vois ce genre de date où tu es vraiment sur une grosse grosse scène et il n’y a personne devant ! Mais parmi les personnes qui regardaient attentivement il y avait le chanteur de CACHEMIRE – et peut-être les autres aussi. En tout cas, il y avait Fred Bastard [NDR : à ne pas confondre avec Mat Bastard].
Je fais mon concert, je donne du mieux que je peux euh… avec l’énergie qu’on me renvoie… pas ! (lol) et Fred me capte plus tard me disant “J’ai beaucoup aimé !” mais bon, tu le sais, entre musiciens, on se dit ça ! “J’ai beaucoup aimé !” “J’aime beaucoup ce que vous faites !” (lol)
Oui, c’est le folklore !
Voilà ! C’est ça !
Et puis, Fred me recontacte quand même via Instagram derrière et il me dit “J’ai vraiment aimé !” Alors, là, on n’est plus dans le folklore ! (lol)
Haha, non, c’est vrai !
Et il me dit “j’aimerais bien qu’on fasse des chansons. Il y a un truc qui m’inspire ! Dans ton personnage… Visuellement… Tu envoies à la guitare… Tu chantes en français…”
Je ne m’en rendais pas bien compte parce que je ne connaissais pas CACHEMIRE mais il y avait quand même pas mal d’attaches entre nous.
Le temps passe. On ne se voit pas pour composer. Chacun mène sa vie de son côté. De temps en temps, on prend des nouvelles. Puis on discute un petit peu plus mais rien de concret, si tu veux.
A un moment donné, CACHEMIRE va fêter ses dix ans au Trianon et ils ont pour idée de prendre une première partie. Fred me propose de la faire. C’était début 2023. Trianon, fantastique ! On est un trio de nanas devant 800 golgoths. Ça se passe hyper bien ! Et je suis hyper contente que CACHEMIRE m’ait choisi car je pense qu’ils ont dû faire des pieds et des mains pour qu’il y ait une première partie – c’est pas toujours évident – et pour que ce soit moi.
Et puis voilà, on se recontacte de temps en temps mais sans trop savoir… On sentait peut-être qu’il y avait quelque chose à faire mais on ne savait pas quelle forme ça devait prendre.
Un jour Fred me contacte et me dit “voilà, Sven va partir vers de nouveaux horizons. CACHEMIRE va avoir besoin d’un ou d’une guitariste lead. On aimerait bien que ce soit toi”. Et voilà !
Voilà les atomes crochus !
Voilà. Atomes crochus et roule ! (lol)
Allez-vous être CACHEMIRE et ALICE ANIMAL ?
Non.
OK
Non, ça va être CACHEMIRE. J’appartiens dorénavant à un groupe de cinq personnes. Je suis une des membres. C’est pas CACHEMIRE invite Alice Animal.. CACHEMIRE feat. Alice Animal. Je garde évidemment mon bébé, mon projet musical de cœur. Je reste Alice Animal avec ma patte, mes guitares, mon jeu, ma personnalité, etc…
Mais j’intègre un groupe et ça, j’en avais super envie !
Ca reste donc “100% Cachemire” comme disait mon pote Régis.
L’intégration au groupe
C’est tout un univers à intégrer, tout un état d’esprit…
Quel travail cela représente-t-il d’assimiler le répertoire de CACHEMIRE pour ainsi performer ensuite sur scène ?
J’ai commencé à travailler en décembre, époque de la proposition, et puis les choses vont aller très vite car, tu l’as vu, on a un début de tournée en avril. Et, effectivement, pour intégrer un groupe de cette trempe là, il faut assurer. Il faut que je trouve ma place, il faut qu’ils me donnent une place.
Il y a des discussions à tous les niveaux : au niveau du son, des instruments à utiliser, du jeu… C’est tout un univers à intégrer, tout un état d’esprit… Parce qu’en plus, les 4 gars que je rejoins, Seb, Farid, Ron et Fred se connaissent depuis très longtemps. Je n’intègre pas seulement un groupe : j’intègre une bande de potes ! Du coup, il y a un état d’esprit, une façon de communiquer entre nous, une façon de communiquer par rapport au public…
Pour revenir sur la méthode, il y a déjà eu une répétition. Il va bien sûr y en avoir d’autres. Il va y avoir une résidence. Je bûche dans mon coin et je bûche avec eux. On est en contact régulier. Et j’ai tous les outils chez moi pour travailler à fond et avancer sur les titres seule.
Les futurs concerts avec Cachemire
Sur scène, auras-tu carte blanche pour rester toi-même dans ta façon de jouer et ta façon d’être, ou devras-tu être au plus proche de ce que faisait Sven ?
Tout montre qu’ils ont choisi de proposer l’aventure à quelqu’un de très différent à tous les niveaux ! Que ce soit au niveau de mes références, de mon jeu, des guitares que j’utilise, de ma personnalité, de mon genre sexuel, de tout !
Mais CACHEMIRE , ça fonctionne mortel dans le genre qui est le leur ! Je ne peux pas arriver et tout bousculer, surtout quand une série de dates est déjà programmée. J’arrive à un moment particulier : l’album est fait ! Il y a donc beaucoup de choix qui ont été arrêtés alors que je n’existais pas encore dans l’équation. Ils m’ont aussi probablement choisie parce que sentant que je sais m’adapter, écouter, observer et faire une proposition qui me ressemble et va leur ressembler aussi.
J’ai hâte d’être sur scène car c’est là que tout se déploie !
Vas-tu faire les solos de CACHEMIRE ? Si oui à ta sauce ou identiques à l’album ?
On va voir comment l’aventure évolue : pour le moment, je veux être un membre du groupe qui, comme tous les autres membres du groupe, fait tout pour que le groupe CACHEMIRE défonce ! Je pars vraiment de la matière qui existe en l’adaptant à mon jeu. Ça laisse beaucoup de possibilités !
Et j’ai hâte d’être sur scène car c’est là que tout se déploie !
Il y a le HellFest à l’horizon. Est-ce une émotion particulière ?
Alors, là, tout est émotion particulière ! (lol)
Que ce soit un festival d’été, une Maroquinerie ou un HellFest, tout me rend heureuse ! Je ne me pose pas plus de questions que ça, si tu veux. Là, je me concentre sur la musique. Après, effectivement, je ne suis jamais allée au HellFest et je trouve évidemment que c’est génial d’intégrer un groupe et d’avoir ces belles dates à venir ! C’est une super chance !
Alice Animal et la guitare
Il faut trouver un stem général de guitares qui défonce.
Parlons un peu de l’instrument qu’est la guitare ! Côté son, est-ce complexe de t’intégrer ?
Alors c’est d’autant plus complexe que ça ne va pas se faire avec les mêmes outils qu’habituellement. Pendant longtemps, j’ai travaillé avec un Fender Classic 30 ou bien des Fender Hot Rod Deluxe [NDR : des amplis pour guitare], tout ça. Je suis passée à Vox. J’ai un AC15 qui me correspond super bien. Et puis pour des raisons de simplicité, légèreté et rapidité, j’ai testé aussi des simulations d’ampli : l’Iridium de Strymon, la Dream d’UAD, la Torpedo… différentes choses…
Et là, les gars possèdent déjà un système : ils sont sur Kemper. Je découvre. C’est différent. Et c’est intéressant car j’ai souvent par le passé été la seule guitariste d’un groupe. Ici, c’est une nouveauté pour moi : il y a une section guitares, tu vois ce que je veux dire. Il y a Ron pour la rythme puis moi. Et parfois même trois guitares puisque Fred, le chanteur, prend sa guitare pour environ 1/5e du set.
Ça change sacrément la donne car il faut que les sons de guitares se marient. Il faut trouver un stem général de guitares qui défonce.
Qu’est-ce qui te fait vibrer : “je branche, je joue !” ou “je peaufine ma chaîne de son !” ? Es-tu une geek de la guitare ?
(lol) Non, je ne suis pas geek. J’ai des copains/copines guitaristes qui le sont. C’est un vrai délire ! Après, j’ai des super pédales, j’aime en tester ainsi que des amplis, j’aime les belles guitares… Donc, oui, j’ai du matos. Je passe parfois des heures sur le pedalboard à changer l’emplacement des pédales. Je suis consciente de l’importance que ça a, mais c’est venu progressivement.
Collectionnes-tu les guitares ? Les pédales d’effet ?
J’ai du mal à acheter pour revendre. Je ne collectionne pas comme certains de mes amis. J’achète peu et en essayant d’être sûre de moi. Là, autour de moi, j’ai une vingtaine de pédales et, côté guitares, j’ai pas mal de belles guitares, oui…
Combien ?
Alors des guitares que j’utilise vraiment, j’ai la Gibson, la Telecaster, la Duesenberg, la Wild Customs, la Rickenbacker… voilà… puis, après, j’ai des guitares “de mur”, décoratives, avec des formes rigolotes, etc.
Ça fait donc une bonne dizaine d’instruments.
A l’occasion de cette nouvelle aventure, je fais faire une nouvelle guitare.
Avec quelle(s) guitare(s) vas-tu t’afficher au sein de CACHEMIRE ?
Très bonne question ! Sans trop dévoiler, les instruments vont suivre le mood, le concept visuel affirmé que j’adore. Et donc, à l’occasion de cette nouvelle aventure, je fais faire une nouvelle guitare.
On est parti sur un deuxième modèle avec Wild Customs. La guitare sera sûrement prête fin février. Pour les micros, on va travailler avec Sully de HepCat. [NDR : effectivement, entre temps, nous avons pu tous découvrir le nouveau modèle Wild Customs d’un blanc immaculé]
C’est une équipe qui gagne !
C’est vraiment une équipe qui gagne ! Je suis hyper heureuse !
Les références guitaristiques
Quel est ton top 3 des guitaristes ?
On va dire… St Vincent. Euh, seulement trois ?
Allez, autant que tu veux ! 🙂
(lol) T’es pas très compliqué à convaincre, hein !
J’avoue : suis très friand de ce genre d’info. 🙂
Alors je commence par St Vincent car j’ai été pendant des années une folkeuse et je rêvais de me mettre à la guitare électrique. J’avais une très belle Telecaster (que j’ai là sous les yeux d’ailleurs) qui était au mur et je pense que j’avais peur d’y aller sans trop comprendre pourquoi.
Et puis je vais au Québec et mes amis québecois me font découvrir St Vincent. De suite, je commence à bouffer le personnage puis me dis “mais, en fait, pourquoi pas moi ?” et j’ai donc commencé en 2017 à être guitariste électrique.
Après, j’aime beaucoup Jack White pour sa folie, ses sons tellement garage et tellement précis en même temps. Je n’ai pas encore tout écouté mais je suis fan.
J’aime beaucoup Josh Homme. Ses sons de guitare me plaisent énormément notamment sur l’album “…Like Clockwork”.
Et si on veut qu’il y ait une sorte de parité, j’aime aussi beaucoup Anna Calvi… que je trouve très élégante. Un rock puissant et féminin qui a la classe !
Bon, ça fait quatre ! C’est pas beaucoup plus que trois…
Ah je suis très très fan de Jeff Beck également ! Des mélodies incroyables ! Il ne lâche jamais la note. Il la joue, il la sculpte jusqu’au bout. Par n’importe quel moyen. Je trouve ça passionnant.
Il y a une autre femme que j’aime beaucoup qui est chanteuse et guitariste électrique, surtout sur ses deux premiers albums. Son projet se nomme My Brightest Diamond. Sa musique m’a aussi beaucoup ouvert l’esprit concernant la guitare électrique.
Voilà, ça te dessine un peu les références.
Conclusion
Mais oui ! Très bien !
Vers qui vas-tu m’envoyer parmi tes connaissances pour ma prochaine interview ?
Chloé LEGRAND ! J’étais hyper heureuse de la rencontrer au Guitarfest de Clichy. Avec les stories qu’HexaLive avait publiée, j’ai cru que vous étiez allé plus loin, Chloé et toi, sur le sujet de la place des femmes dans le rock. Et j’ai cherché, j’avais trop envie de lire cette interview !
Nous l’avons envisagé en effet.
Sa réponse à l’interview croisée post Guitarfest de Clichy m’a vraiment donné envie d’en lire plus de sa part ! [NDR : interview croisée que vous pouvez retrouver ici]
Moi également ! Nous nous sommes dit que ça vaudrait le coup. Ça remonte à mi-décembre si ma mémoire est bonne. Je vais lui en reparler. 😉
Je pense aussi à Karim ATTOUMANE, le guitariste de Charlélie Couture qui a aussi accompagné – et m’a fait rencontrer – Emel Mathlouthi, grande chanteuse tunisienne, que j’ai à mon tour accompagnée sur quelques concerts.
Karim est un excellent guitariste et fou de matos. Pour le coup, on peut dire qu’il est geek, au sens positif du terme. Et il a une vraie philosophie de la vie. C’est une super rencontre pour moi. C’est quelqu’un qui a des choses à dire !
Si jamais tu en veux un troisième, j’en ai un en tête…
Vas-y… (lol)
Là, avec mon réalisateur, on est en train de composer la suite du répertoire Alice Animal. On est en créa en ce moment. Et je travaille donc avec Nelson Martins qui est musicien au sein de Skip The Use. Nelson est une autre sorte de guitariste fou. Chez lui, tu ne comptes pas les guitares et il a un mur rempli de pédales ! Il fabrique des pédales ! Il va d’ailleurs en commercialiser bientôt une.
Tu t’imagines qu’au niveau de la précision de ce qu’il veut entendre, c’est un tueur ! On est dans du chirurgical. Et donc, tous les deux, on est en train de faire des titres de malades. On y mélange tous les deux nos côtés sages et nos côtés sauvages. Nelson a évidemment beaucoup de choses à raconter ne serait-ce que par son expérience Skip The Use. C’est un réalisateur qui a commencé par le Hip Hop. Il est hyper intéressant !
Merci Alice !
On se revoit sur la route !
Interview réalisée par Stedim (instagram)
