Oai Star

A quelques heures du concert des Oai Star au nouveau Casino le 1er juin 2006, nous retrouvons Gari Greu, un des chanteurs des Oai Star et des Massilia Sound System. Il nous parle ici des ses influences, de sa vision de la société, de son rôle de musicien et du prochain défi pétanque avec les mickey 3d… Une rencontre agréable et enrichissante.

Photo Carine Fuentes

HexaLive- Déjà j’aimerais savoir, comme ça, après les balances, comment vous vous sentez avant un concert. Car sur scène, vous êtes super à l’aise, vous avez l’air de vous éclater et vous prenez beaucoup de plaisir, mais est-ce que malgré tout il n’y a pas une petite appréhension quand vous montez sur scène

Gari Greu- Avec les années ça s’estompe, mais y’a toujours un peu, quand tu montes sur une scène animer la danse comme on fait, tu es concentré. Avec les années tu gères un peu mieux ces moments là, tu en prends presque du plaisir

HL- Le petit frisson…

GG-Ouais, ouais, et tu es presque plus marqué quand tu es dans une petite salle, avec le public qui est à ta hauteur, les yeux dans les yeux, que quand tu es dans une scène avec des barrières et le public loin. C’est un peu plus abstrait on dira. Tu vois plus une masse de gens. Souvent à Marseille on fait des  » baleti  » comme on dit, des petits concerts dans une salle qui s’appelle le Balthazar, qui est un petit lieu ou il y a 200-300 personnes, où la scène c’est juste une estrade, et là vraiment t’as les gens en face de toi. C’est un peu intimidant des fois, mais aussi ça t’exalte, ça te donne envie d’improviser. Du coup c’est un autre aspect. J’aime bien.

HL – Et ça vient d’où l’idée Las Vegas Parano dans les costumes ?

GG – Oh, le délire. Quand on fait un album, on doit faire des visuels, et quand tu fais des visuels, tu mets en exergue des choses qui te tiennent à cœur. Nous on travaille beaucoup avec la référence quand on compose. Peut être parce qu’on a beaucoup travaillé avec des échantillonneurs à l’époque, on a toujours ce même processus de travail. On s’inspire de choses existantes, qu’on mélange avec d’autres choses. Tu vois on a toujours ce truc du référent, et quand on fait une image, un cover, on procède un peu de la même manière, toujours pareil pour mettre en avant des choses qu’on a en nous, qui nous représentent, qui sont aussi une petite dédicace à des choses qui nous tiennent à cœur, en l’occurrence Las Vegas Parano. Le duo qui part sur la route, avec la valise magique, qui ouvre sa valise et voila. Nous aussi on a notre valise, y’a plutôt des lyrics, mais c’est aussi des choses pour rendre les gens fous.

HL – Il y a d’autres thématiques de prévues après ?

GG – Oh non, tu sais c’est le hasard. Le nouvel album de Oai Star par exemple, la cover c’est un truc avec le nom et le titre marquées avec trois couleurs, le noir, le blanc, le rouge. Là on a eu le titre de l’album avant les chansons. On avait envie de faire un disque avec marqué  » Va à Lourdes « . Donc ça s’est imposé le fait de le mettre en gros sur la pochette, et il se suffisait à lui-même. Après peut-être que pour un autre projet, on mettra des petits santons de Provence avec des guitares, on n’en sait rien.

HL – Vous avez fini par croiser les Mickey 3d alors en festival ?

GG – Ecoute, on est chaque fois programmé un jour eux et nous le lendemain, mais ils nous ont lancé un défi à la pétanque et on s’entraîne dur parce qu’il paraît qu’ils sont super solides. Il paraît que le batteur, il ne rate pas une boule. Alors nous évidemment on a fait les marseillais, on a dit qu’on était super forts, qu’on relevait le défi, mais on n’est pas terribles aux boules alors on s’entraîne grave. Donc quand on va les croiser, faudra qu’on tienne un peu notre rang quand même

HL – Peut être dès cet été ?

GG – Oui ça va pas tarder je pense. Un de ces quatre. On les salue tiens !

HL – D’ailleurs un peu comme vous par rapport à Massilia, le chanteur des Mickey 3d est dans un projet parallèle rock, voire hardcore, avec Nopajam ?

GG – Non, j’ai pas écouté. C’est bien, ça montre son ouverture d’esprit, ça montre qu’il n’y a pas de barrières et que dans la musique il faut se faire plaisir. Parce que c’est un plaisir avant tout. Pas juste un truc à marketer et à trop calculer. Nous on en profite aussi d’avoir ce projet Oaistar pour assouvir des trucs qu’on avait peut être pas encore fait, sans faire sécession avec ce qu’on avait fait avant avec nos collègues de Massilia. On a tous décidé de se prendre deux petites années pour assouvir des trucs qu’on avait en nous

HL – Oui, comme autres projets des Massilia y’a Moussu T, Papet-J

GG – Oui, Moussu T, Papet-J, Oai Star, trois projets qui ont des couleurs différentes. Moussu T c’est chansons acoustiques, blues marseillais, Papet J c’est plus électro, jungle, et toujours avec cette même volonté de rassembler, d’être le haut-parleur de la communauté, de pas être dans la fiction, de raconter ce qui se passe devant notre paillasson. Ce ne sont pas des albums solo qui sont fait dos à dos, je me retrouve plus dans le collectif, je pars en solo comme un cow-boy dans le désert. D’ailleurs le plus souvent possible on essaie de faire des plateaux où on joue les trois projets en même temps, pour que ça raconte aussi que ce sont trois nouvelles cordes qui sont à nos arcs, qu’on va tous dans le même sens et que le fait de s’adonner à des styles musicaux différents c’est pour montrer que ce n’est pas une question de style musical, c’est une question de posture. Pourquoi je suis chanteur, à quoi je sers ? On essaie de folkloriser notre rôle de chanteurs depuis le début avec Massilia. Dès qu’on a vu des vieux paysans qui jouaient de la bourrée, qui faisaient danser les gens le samedi soir, on s’est dit  » Oh putain, ils font comme nous « . On s’est dit, nous on chante pour faire danser les gens le samedi soir. On est les musiciens, tu vas voir les musiciens pour te relaxer après la semaine de boulot. Si tu remarques, dans toutes nos histoires, il y a très peu de chansons tristes, il y en a très peu où on se lamente. Même si on traite de sujets graves, on essaie toujours d’avoir des angles positifs, parce que notre rôle c’est de faire passer des bons moments aux gens. Comme tout le monde on a envie de chialer des fois, on s’en est toujours sorti avec l’humour, même si des fois les gens pensent qu’on n’est que des clowns ou des pitres. Mais l’humour même dans les moments graves c’est quelque chose qu’on a toujours en nous très présent. Evidemment notre musique c’est une musique fun, autant que faire se peut qui est rassembleuse. Notre but c’est de rassembler des gens qui ne se ressemblent pas au même endroit et que ça communie, que ça débatte. Dans Massilia, il y a quatre chanteurs, quatre mecs très différents, qui ont des origines différentes, on a toujours avancé dans la contradiction, dans le débat. C’est un peu notre marque de fabrique. Le consensus mou ce n’est pas trop notre truc. Dans notre asso, Massilia Chourmo, il y a 1600 membres dans toute la France, on pourrait croire que c’est comme une secte, alors que c’est pareil, ce sont des gens très différents, des mecs de soixante ans, des minots de douze ans, qui viennent peut être pour des raisons différentes, mais qui à un moment donné se rencontrent, échangent. A Marseille, y’a plus qu’au stade que ça se passe, quatre vingt dix minutes tous les quinze jours y’a les riches et les pauvres, les vieux les jeunes, tout le monde qui se rassemblent au même moment, au même endroit. Il n’y a plus que là que ça se passe, sinon tout est compartimenté, cloisonné, chacun a son niveau social, va là, vit là. Nous on prend le micro pour essayer de pallier ce petit manque qu’on commence à ressentir vraiment dans la société française. T’as l’impression que le mec qui te ressemble pas, c’est un esquimau par rapport à toi. Au contraire on a souvent été attiré par les gens qui nous ressemblent pas.

HL – Comment ça se passe dans le groupe pour composer les morceaux ?

GG – Ca se fait de façon naturelle, parce que comme je te disais on chante le quotidien. Toute l’année j’ai un petit carnet où je note des fois une chanson en entier parce que j’ai de la chance, ou des fois une idée, ou deux mots. Et à un moment donné tu rassembles tout ça. Les chansons, ce sont des photos qu’on fait tout au long de l’année. Nous, on ne fait pas de la poésie chantée, on ne fait pas des textes qu’on met en musique. Peut être parce qu’on a souvent composé au début en mettant des faces B de ragga en écrivant nos lyrics dessus. En même temps il te vient la mélodie et les paroles. C’est un truc enchevêtré. Je pense que c’est important dans notre manière d’écrire les chansons. Maintenant on a un peu plus de pratique, on prend une guitare sèche, on se fait les quatre accords dessus, on fait notre tambouille et après on appelle les musiciens pour faire l’arrangement. Après il n’y a pas forcément de règles. Il nous est venu des chansons dans le bus en rigolant, comme nous sont venues des chansons, une phrase il y a un an, la deuxième phrase il y a six mois et maintenant le reste. Il n’y a pas de règles, c’est ce qui est pas mal aussi là dedans. T’as du mal à le contrôler des fois. Un morceau qui traîne depuis des mois et un soir tu vas en faire trois. Et après pendant trois mois ta fille ne fait que pleurer, tu es occupé; et tu n’arrives plus à en faire. Après on s’astreint aussi, par exemple je m’astreints deux trois fois par semaine à me prendre deux ou trois heures souvent le soir avec mon carnet et faire le bilan.

HL – Qu’est-ce qui tourne actuellement dans le bus, dans les lecteurs cd ?

GG – Pour moi la musique c’est une vibration animale. Ca te frappe le bas-ventre, le cerveau. Je me laisse souvent aller à laisser parler mes sens quand j’écoute de la musique. Tout nous nourrit, il y a des choses qui nous nourrissent plus. Quand on a décodé la musique traditionnelle, qu’on a fait les ponts avec le blues, qu’on s’est rendu compte qu’un mec qui fait de la bourrée à la campagne il fait du blues rural, que c’est exactement la même chose, il n’y a que la forme, que le papier cadeau qui change. Du moment qu’on est arrivé à créer ces ponts, à se rendre compte que c’est la fonction qui prime, on se laisse aller. Moi je vais être charmé par un morceau d’Ali Farka Touré, un morceau de rap qui va me parler, du reggae, peut être que je vais écouter un matin les petits pains au chocolat de Joe Dassin et que je vais être ravi. Je pense qu’il y a des moments pour tout. Si c’est le bon moment des free parties ça peut être super, si tu en as envie, se prendre un boulet de techno hardcore. Comme si c’est le bon moment, prendre un morceau de musique traditionnelle super destructuré. Pour moi c’est ça, l’éclectisme. Après ça peut être dangereux et un faux ami quand tu fais un disque car un disque il faut que ça ait de la cohérence, que ce ne soit pas un patchwork bête, que les associations que tu fais aient un sens. De toute façon on est souvent en quête de sens quand on fait des choix.

HL – Il y a beaucoup d’influences dans votre nouveau disque…

GG – Enormément. Sauf que maintenant le sampler ce sont nos musiciens, et on a toujours la même démarche.

HL – Ce qui permet plus de libertés ?

GG – Oui et non. C’est la manière dont tu fais les choses qui importe. Si c’est cohérent, on peut enregistrer un morceau en faisant la batterie en tapant les mains là sur la table. Si c’est cohérent avec ce qu’implique le texte ou le morceau, l’ambiance que tu veux créer. En studio c’est souvent la tambouille, même si ce disque on a eu envie de le faire en coup de poing.  » Va à Lourdes  » on avait ce titre là on se disait faut qu’on mette les musiciens dans un studio pendant un mois, qu’ils enregistrent ensemble pour avoir cette énergie du live et qu’on chante dans des micros comme sur scène, et pas des gros micros à lampes qui t’embellissent les grains. Donc on l’a fait un peu dans l’urgence, et on y a pris beaucoup de plaisir. Parce que rien que le titre de l’album l’impliquait

HL – Ca faisait un moment qu’elle tournait cette expression là ?

GG – Oui, Lux dès qu’il en a marre, qu’il y a quelqu’un qui l’emmerde il fait  » allez va à Lourdes, tu m’as gonflé « . Et à un moment donné, tu te retrouves l’été dernier, et tu te dis ce modèle de société qu’on nous vend, ce rapport entre les gens, dès que tu n’es pas couleur locale, dès que tu es différent, t’es éjecté. On avait envie d’avoir quelque chose avec marqué  » va à Lourdes « . On aurait été bon en caméra, on aurait peut être fait un court métrage. C’était pas mal de partir comme ça aussi, du titre et de l’étayer par des petites photos qu’on a fait en un mois, sur deux trois sujets qui nous tenaient à cœur.

HL – Vous avez d’autres expressions comme cela en stock ?

GG – C’est dur de faire un listing comme ça. D’autant qu’on est sensible à ça. On parle le provençal depuis qu’on a vingt-cinq ans. Quand on était jeunes, on était con comme les autres, quand mon grand père il parlait provençal je disais  » qu’est-ce qu’il me raconte « . Après on découvre Bob Marley, on capte qu’il chante en patois jamaïcain. C’est le mot patois qui nous a plu. Ce n’est pas la langue de l’état, il ne chante pas en américain ou en anglais. Ces petites chroniques de quartier qu’il fait, toute sa carrière il a chanté son quartier Bob et il est devenu universel. On est parti de ça. On essayait de faire du rock depuis les années 80, en chantant en anglais, ça n’intéressait personne, c’était bidon. On s’est dit c’est ça qu’il faut faire. On va chanter le quotidien, et en patois. Et c’est quoi la patois ici ? Le provençal, plus personne ne le parle, allez en avant. J’apprends le provençal à ma mère, qui à 65 ans. C’est un peu inversé. On n’est pas dans un délire comme les bretons ou les corses, ou c’est le truc, si tu n’es pas couleur locale au contraire tu es éjecté presque. C’est un choix. Bruno Mégret quand il s’est fait élire à Vitrolles avec le front national, il hisse le drapeau provençal. Le régionalisme c’est un truc de pébron. On manipule des notions super délicates. Il y a des gens peut être pas bien renseignés qui doivent se dire Massilia ce sont des régionalistes. Alors que nous, le fait de chanter en provençal, c’est vraiment pour avoir un autre regard, pour s’emparer d’un truc et le faire notre, ce qui nous intéresse on le prend, ce qui ne nous plait pas on jette. On se met en combat frontal avec les gens qui disent  » être français c’est ça, être ceci c’est cela « . Etre marseillais, être français, c’est être un peu italien, arménien, algérien… Notre richesse c’est ça. Notre particularisme c’est une identité choisie. Toi tu arrives à Marseille demain, tu peux dire j’ai envie d’être marseillais, je fais un site à Marseille, j’ai l’accent d’en haut et je m’en fous. Je suis marseillais, j’aime cette ville et voilà.

Merci à Gari, Tanguy (Wagram) et Caro (Adam)

Interview réalisée par Arnaud Guignant et Céline Cochelin

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