Harun est bien identifié comme l’un des guitaristes les plus prolifiques et inventifs de sa génération. C’est en échangeant ainsi, longuement et vraiment sympathiquement, avec lui que j’ai pris pleinement conscience qu’il est bien plus qu’un remarquable guitariste. Musicien multi-instrumentiste, compositeur, arrangeur, producteur et, depuis peu, officiellement également chanteur, Harun ne se fixe pas de limites dans ses pérégrinations musicales. Jamais !
Harun, la release party de ton nouvel album a eu lieu il y a peu [NDR : le 16/11/24 au Confort Moderne]. Comment ça s’est passé ?
C’était cool ! 140 personnes. Quelques désistements. La routine. Mais c’était cool !
Dis-moi, c’était donc la première fois sur scène pour Reboot !
Exactement. Et la première fois en tant que chanteur ! La première fois en co-prod’… Et la première partie, c’était aussi sa première ! Grat’z, une intermittente du spectacle qui a une putain de voix, une copine qui a toujours été une side-woman en mode guitare ou basse et choeurs et tout. Je lui avais déjà dit “t’as une voix de dingue et il faut absolument que tu te produises seule !” alors je lui ai proposé de faire ma première partie. Elle avait trois compos alors je lui ai dit “bah c’est bien, tu en fais une quatrième puis tes reprises là et voilà ce sera le premier jour du reste de ta carrière et c’est parti !”
Elle a une superbe voix bien éraillée avec une superbe maîtrise. Et du charisme. C’est de la folk façon Alanis Morissette, Janis Joplin, KT Tunstall… Et figure-toi que sa sangle l’a lâchée sur le premier morceau mais elle a bien géré ! Se produire ainsi en solo, je pense que ça l’a bien motivée et que, après avoir digéré ça, elle va réfléchir à un premier album solo.
Bravo ! Tu lui as mis le pied à l’étrier !
Voilà. Elle était toute émue. C’était donc la grande soirée des premières !
Toi, tu es en pleine promo de Reboot, ton nouvel album, tu enchaînes donc les interviews en ce sens. Mais, moi, ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est Harun le guitariste. Aussi, la première question qui me brûle les lèvres, c’est : qu’est-ce que c’est que cette unique guitare avec laquelle tu t’affiches, semble-t-il depuis toujours, à croire que tu n’as que cette guitare : cette Gibson SG ?
Voilà. Tu viens de le dire : j’ai que ça.
Non, sérieux ? Mais tous les guitaristes aboutis, dirais-je, ont plusieurs guitares (voire beaucoup, voire trop) acquises au fil du temps !
Je suis un galérien à côté de tous les gratteux…
Bah parce que… je suis un galérien à côté de tous les gratteux, zicos… et parce que je viens d’acheter une maison, j’ai une petite [NDR : petite fille], j’ai investi dans un Mac, j’ai une voiture, j’ai investi dans un Soldano [NDR : ampli guitare] – ça coûte une blinde – enfin, j’l’ai eu à pas cher, j’avoue, mais quand même.
Euh, nan, nan, en vrai, j’aurais pu investir dans une autre guitare, au moins une spare [NDR : guitare de remplacement] mais tu sais comment c’est, la vie : à un moment t’as les thunes puis le moment d’après, tu ne les as pas. En ce moment, par exemple, j’ai un peu de thunes mais pas pour ça. J’ai acheté une chorus [NDR : effet pour guitare], bah c’est 241€. Je vais racheter un Mac, ce sera plus de mille balles – pour la prod’ du prochain album – bah, objectivement, la prochaine guitare, c’est pas pour tout de suite. C’est tout le temps comme ça ! Il y a toujours un truc.
Et donc, cette guitare, ça remonte à 2008, une copine de Bressuire que je croisais de temps en temps qui était en colloc’ avec un mec qui possédait deux Gibson : une Gibson Studio Anniversary, le genre de guitare qui vaut trois ou quatre mille euros et celle-ci. Et les deux étaient en train, selon ses termes, de dormir, de moisir au grenier. J’me suis dit “c’est pas possible !” Elle m’en parle un soir au bar genre “tu cherches pas une guitare ?J’ai mon colloc’ qui a deux Gibson à vendre !” Je réagis “ah bon ? Elles sont vieilles ? Il les vend vraiment ?” Elle : “alors, la belle, je crois qu’il veut la garder mais l’autre, oui, il voudrait bien la vendre. Tu veux la voir ?” “Bah ouais, pourquoi pas !”
Alors, moi, j’avais genre 600 balles à mettre dedans. Même pas, tu vois. Elle me l’a amené un après-midi, le temps d’un café. J’ouvre… ‘tain, c’est un truc des années 70 ! Après rapide vérification du numéro de série, c’est une gamme de 1971/1975, en bois exotique, qui ne se fait plus, équipée d’un vieux Bigsby fatigué. Surement idéale pour faire de la surf music mais, moi, à l’époque, je faisais du Trepalium… Je me suis dit “si j’arrive à l’avoir, je ferai mettre un stop bar…”.
Les micros étaient top : des humbuckers d’origine mais avec un son légèrement tendre et je me disais qu’au niveau de la rythmique ça ne me conviendrait pas. Tu sais, les goûts et les couleurs… Alors j’opterais pour un EMG 81 avec deux piles en série pour avoir un maximum de gain à l’attaque. Et je garde l’autre [NDR : humbucker] qui est très rond. Je change les mécaniques. Le manche est droit même si nécessitant un petit refrettage… Je savais qu’elle était à 1500€ à l’argus et qu’elle ne se fabriquait évidemment plus et que c’était de la bonne came alors j’ai dit en mode défaitiste “bah j’ai hélas que 600 balles” et je la rends. Elle me rappelle…
C’est une guitare un peu foirée mais bien !
Suspense…
Elle me dit : “bon, bah j’ai négocié pour toi et il veut bien te la vendre à 550 avec la housse !”
Haha C’est cadeau !
(rires) “Ça marche ! J’te paie une bière ??”
J’ai donc eu cette guitare comme ça. Je l’ai amené au luthier de M qui était à l’époque pas loin de Bressuire qui, après expertise, a confirmé : “c’est une guitare un peu foirée mais bien !”. Il l’a remise en état, l’a modifiée selon mes souhaits et, voilà, je l’ai depuis l’album XIII de Trepalium.
C’est une belle histoire !
Voilà, c’est donc une mamie de 1971. Une Gibson SG Custom Jazz série limitée.
Est-ce qu’elle a un petit nom ?
(rires) J’y ai déjà pensé mais euh… j’me suis dit : non. Mais l’air de rien, là, tu me le demandes, je l’appelle quand même “la mamie”.
Côté cordes, tu la montes en combien ?
En 10/52.
Costaud !
Oui et non. C’est ce que je disais à mes élèves du temps que j’étais prof’ au conservatoire – pendant onze ans à Châtellerault – “A part si vous voulez des cordes molles pour des gros solos à la Dimebag Darrell, restez a minima sur le 49, 52 voire 54 car sinon, ça manque de consistance, ça pète vite…” 52, c’est le bon compromis. En tout cas, c’est mon avis.
10/52, je prends les Elixir Optiweb. C’est plus cher mais je suis fan de ces cordes. Même usées, elles restent brillantes et concurrencent d’autres marques en neuves.
Et côté médiator, j’adore les Dunlop 2mm.
Je reviens sur la guitare unique : donc, tu montes sur scène sans guitare de spare !!
Oui. Mais j’ai toujours un deuxième guitariste qui, lui, a une guitare de spare. Donc, on la met au milieu. Ce serait quand même pas de bol qu’il pète une corde et moi-aussi alors qu’on a changé nos cordes en amont.
Je vois.
Bon, la chance que tu as, c’est que tu as TA guitare fétiche !
Mais je ne te cache pas que j’aimerais assez avoir une Gibson mieux gaulée ou une PRS – j’en ai essayé certaines vraiment bien mais je n’ai pas la réf’. Ainsi, c’est la mamie qui deviendrait la guitare de spare.
D’ailleurs, cette vieille Gibson SG a-t-elle le défaut mythique des SG à savoir de piquer de la tête ?
Hum, oui mais pas trop. Du moins, de la manière que je la porte, ça ne me dérange pas. D’ailleurs, je la fais piquer de la tête volontairement pour parler tranquillement au micro. Par contre, elle a un autre défaut assez fréquent : la corde de sol, tu n’en es jamais trop sûr. Faut toujours l’ajuster à l’oreille.
… c’est un punk ce mec !
D’ailleurs, durant un concert, prends-tu souvent le temps de te réaccorder ?
Ouais mais comme souvent je bouge comme un con… euh… voilà. Je suis un drôle de musicien parce que… des fois, on va bosser sur des trucs et je peux me montrer très clinique, pointilleux… et puis, en live, tu pourrais te dire “nan mais c’est un punk ce mec !” Je ne le fais pas exprès. Je n’ai jamais cherché consciemment à fonctionner d’une manière ou d’une autre. J’ai des maniaqueries qui sont normales : bien plier les câbles, gaffer les choses, prendre en photo les réglages… parce que j’ai envie que tout se passe bien. Puis, quand tu me vois en live, tu vas te dire “nan mais il s’est désaccordé à sauter comme un con !” Et comme je suis à moitié sourd, bah, des fois, c’est trop tard.
Oh ! Et cette surdité, c’est à cause de la musique ?
Je pense pour beaucoup. Plus jeune, j’écoutais beaucoup au casque. J’ai dû commencer à fragiliser mes oreilles à cette époque là quand j’ai découvert le métal vers mes quinze ans. J’écoutais du Sepultura à balle, du Pantera… J’étais là “ah ça, c’est vivant !! La vie, elle est là-dedans…!” Et, quand j’ai monté Trepalium, on répétait sans bouchons comme des bourrins. Ça a duré des années. Au milieu des années 2000, on avait joué à un festival où il y avait des sides monstrueux, en façade comme sur scène, et le son était tellement propre que je n’ai pas voulu mettre de bouchons… Et… ça a pété.
Ca ne m’a plus jamais lâché. Et ma mère m’a révélé plus tard que plusieurs fois mes tympans avaient percé quand j’étais petit à cause d’otites à répétition. Ça m’est arrivé encore l’année dernière. Et les acouphènes, c’est terrible : ça me rend nerveux. Ça me rend très très nerveux. Complètement dingue. Et ça m’arrive à chaque fois que j’enregistre un album ! Je me mets à faire sinusite, otite, rhinite, etc. Durant l’enregistrement de Reboot, j’en venais à devoir demander à ma femme si ma guitare était accordée correctement ou pas… A croire que je me fragilise quand je dois être focus…
Que des plans enthousiastes, à l’arrache, qui n’allaient nulle part…
Pourquoi t’être mis à la guitare ?
De mes dix à quinze ans, j’étais très clavier. Puis j’ai croisé de nouveaux potes et, avec eux, j’ai découvert la MJC [NDR : Maison des Jeunes et de la Culture] pas loin de chez mes parents. C’était très cool : des jeux, la télé, du café gratos et tous les jeunes allaient là-bas. On y écoute du son, il y a plein de potes… Je ne sais même pas si ça se fait encore. Et des amis m’ont donc initié à Pantera, Meshuggah, Downset, Faith No More, Machine Head, plein de groupes comme ça…
Et un de ces potes que je trouvais trop cool m’a initié à la guitare. Il jouait avec un batteur et un bassiste. Ça jouait mal mais c’était cool ! Ca envoyait quand même du solo en pentatonique sur du trash avec un certain feeling ! Une fois, il a envoyé à fond jusqu’à glisser sur ses genoux devant moi, à la Jimi Hendrix, guitare derrière le dos et, là, j’me suis dit “aaaaah c’est génial !” . Les semaines se passent et je finis à la basse genre “Ah ouais, Harun, c’est un bon, il est pas comme les autres, tiens bah prends la basse, tu vas être notre bassiste !” Je me mets à tout repiquer à l’oreille.
Puis, un jour, j’ai demandé à mon pote de m’apprendre un morceau à la guitare et il me montre les accords de Hey Joe. C’est donc le premier que j’ai appris. En genre trente minutes durant l’absence de mon pote qui me dit à son retour “‘tain, mec, tu devrais te mettre à la guitare !” Et voilà, je me passionne… Je bosse l’été suivant et m’achète une guitare : une Jim Harley. Le magasin Music Sun aux Sables-d’Olonne me branche avec un mec qui me vend un Marshall JCM 900 et c’est parti ! Ça continue comme ça pendant deux ou trois ans. Puis je me retrouve à faire plusieurs groupes, un coup à la batterie, un coup à la basse, un coup au synthé, percus, world music, etc. Je m’éloigne de la musique bien définie. Aucun programme en gros.
Que des plans enthousiastes, à l’arrache, qui n’allaient nulle part. Puis, un jour, j’ai vu Gojira, enfin Godzilla à l’époque ! En 1999. C’est là que je rencontre Joe et Mario et qu’on devient copains. En les voyant sur scène, je me suis dit “je vais faire du métal et je vais faire ça !” J’écoutais déjà du métal, Morbid Angel, etc. C’est donc comme ça que j’ai créé la première maquette de Trepalium qui ne s’appelait d’ailleurs pas encore ainsi.
Et voilà, tu as répondu à la question suivante qui était “Pourquoi fonder Trepalium ?” !
… un côté jazz death un peu prog’ !
Et pourquoi fonder ensuite Step In Fluid alors ?
Pour Trepalium, je composais la musique et j’avais la vision globale artistique. Toutes les évolutions ont eu lieu sous mon impulsion. Par exemple, l’ajout d’Hammond B3 dès le deuxième album pour avoir une identité sonore forte, un côté jazz death un peu prog’. Je les ai embarqués dans mes délires en fait. L’apogée ayant été finalement en 2015 avec l’EP Damballa’s Voodoo Doll où j’ai fait un truc 100% ternaire avec les cuivres de l’Orchestre National de Jazz où j’avais tout composé en quinze jours. J’avais vraiment une idée précise de Trepalium, tu vois.
Avec Step In Fluid, tu te doutes bien que j’avais d’autres envies ! Après huit ans de Trepalium, j’avais envie d’explorer d’autres idées. Par contre, il me fallait d’autres musiciens. J’ai composé en travaillant le riffing de manière plus syncopée tout en gardant mon identité, j’ai étoffé puis ça a donné un premier album puis un second plus tard avec plus de claviers.
Et je comprends que Step In Fluid n’est pas arrêté. Vous pouvez le raviver à tout moment.
A tout moment, oui. C’est juste que je n’arrive pas à me projeter pour l’instant car Reboot me prend tout mon temps. Dans l’immédiat, chacun des membres est très pris par ses propres activités.
Et pourquoi ce surprenant EP electo-ethnique ? (ou tu chantes, qui plus est, en bambara)
[NDR : intitulé Mali Kanu]
J’aime comment sonnent certaines langues. A commencer par l’anglais : quand j’écoute des musiciens en interview, j’me dis “‘tain, j’adore cet accent !” – accent que moi, je n’ai pas d’ailleurs (rires).
Et c’est pareil pour le bambara : je trouve ça magnifique. Tout comme le camerounais. Plus globalement, j’ai toujours adoré les musiques africaines. Tout comme ces dizaines d’artistes qui viennent d’Afrique et ont percé en Occident.
J’ai donc eu envie de faire un blend entre ma musique et cet univers. Initialement, j’étais en pleine pré-prod’ du deuxième Step In Fluid et je voulais un chanteur camerounais sur le titre Booty Shake. J’ai demandé à Etienne Mbappé mais il m’a dit que c’était compliqué. J’ai demandé à d’autres chanteurs plus ou moins connus même directement en Afrique – merci Facebook, merci les contacts – car on connaît toujours un homme qui connaît un homme… Mais finalement, ça n’a pas abouti cette fois.
J’avais écrit mes textes puis les avais fait traduire par un gars des quartiers des Couronneries (Poitiers). Qui a fait le lien avec un de ses potes à Bamako à qui j’envoie mes textes en français qui me les traduit à l’écrit et me renvoie tout en photo. Ok. Merci.
Deuxième étape – à l’époque, j’étais surveillant en Lycée en plus de la musique et, euh, du conservatoire – où je trouve un élève qui comprend le bambara… qui a accepté de lire le texte pendant que je filmais… Dès qu’il y avait un son qui me semblait “bizarre”, je lui demandais de répéter. Ainsi, j’avais la phonétique et le texte et, donc, chez moi, je prenais le micro pour ma première expérience de chant mais pas officielle… Je ne l’ai jamais chanté en live et ce n’est pas un vrai album. C’est un truc totalement DYI ! C’est pour ça que je dis que Reboot est mon premier album au chant.
On sent que tu es déterminé, toi, quand tu décides de te lancer !
Bah ouais, je te pose la question à l’envers : pourquoi cela ne se ferait pas ?
Plein d’autres à ta place auraient baissé les bras face aux écueils rencontrés !
Bah… il n’y a pas de problème. Il n’y a que des solutions ! Dès que tu trouves la solution, ce n’est plus un problème.
Et cet album n’est finalement écoutable que sur Youtube, hum ?
Je l’ai en CD aussi. En fait, j’avais fait un Ulule qui s’est remboursé direct. Les gens avaient été charmés par le clip. Je n’ai pas fait de bénéf’ mais je suis retombé sur mes pattes. Je ne suis pas allé jusqu’au live même si certains me le demandaient. C’était beaucoup d’efforts et ma petite est arrivée. J’ai vraiment failli mais ce n’était pas raisonnable. Puis le nouveau Step In Fluid est arrivé. Ensuite il y a eu le Trepalium. Puis la Covid. Et le dernier Trepalium qui n’est jamais sorti.
Ca, c’est un enfer de frustration à vivre, non ?
Oui, très frustrant. D’autant que moi, je compose ce que je compte sortir. D’autres composent cent titres puis font un choix. Moi, non.
Tu es guitariste autodidacte. Ca t’a semblé évident, naturel ?
Oui, autodidacte car je ne suis jamais allé payer de cours pour apprendre. J’ai appris sur le terrain, à l’école de la vie, évidemment. Et bien sûr en échangeant avec des potes sur des sujets précis, à l’occasion, ou simplement sur une réflexion. Ou sur le tas en jouant avec des potes. Je suis un vrai pur produit éponge de mon environnement, en fait.
… j’étais prêt pour le métal !
Quels sont les guitaristes que tu avais en poster dans ta chambre ?
J’ai cru lire Dimebag Darrell, Tom Morello, Jimi Hendrix, Robert Fripp ?
Quand mes potes m’ont initié, le premier groupe que j’ai écouté, c’était Iron Maiden. J’avais pas trop compris parce que mon oreille n’était pas aguerrie. Le lendemain, c’était Sepultura avec Arise, là j’adore, j’comprends pas tout mais j’adore ! Dans la foulée, ils me font écouter le quatrième album de Pantera et là je me dis “Meilleur groupe du monde ! Meilleur gratteux ! Et cette voix !!” J’avais quinze ans quoi !
Et tu as finalement tout repiqué à l’oreille…
Comme tout le monde faisait au début !
J’étais donc très Pantera puis je découvre dans la foulée Rage Against The Machine que j’avais quand même déjà entendu à la télé ou autres, genre Best Of Trash, Laurence Romance, Rock Express, des trucs comme ça. Il faut dire que, juste avant ces découvertes, j’avais mon frère qui enregistrait déjà des K7 des Red Hot Chili Peppers – Suck My Kiss, excellent – ou encore ZZ Top et Metallica avec le Black Album… Tout ça mélangé avait fait que j’étais prêt pour le métal ! My body was ready! (rires)
Tu indiques ne pas travailler ton instrument. Tu en viens à le faire que lorsque tu composes. C’est bien cela ?
En gros, c’est ça. Je ressors la guitare en moyenne chaque année pour de nouvelles compositions. Je ne travaille alors pas ma guitare spécifiquement mais je peux y passer 4h dessus après le taff pour trouver des trucs.
Tu indiques sur ton site web que ton premier album solo IN MOTION a été composé et joué en open-tuning DADGAD. Pourquoi cette information ? C’est la conscience de t’adresser majoritairement à un public de guitaristes ?
Bonne question… Bah ouais. Parce que je viens d’un milieu de zicos.
Et comment es-tu venu aux open-tunings ? C’est toujours un virage assez particulier pour un guitariste. Qui plus est pour un autodidacte, non ?
Changer d’accordage, c’est un peu changer d’instrument. Ca m’est venu la première fois parce que j’avais repiqué à l’oreille un truc en DADGAD d’Andy McKee. C’était Drifting. Puis j’avais du aussi mettre ma guitare en DADGAD pour quelques cours genre Kashmir de Led Zeppelin, etc. Ça m’a amené à me dire que c’est un accordage très puissant avec beaucoup de potentiel, bien plus que le standard EADGBE ! Je me suis dit que ce serait peut-être malin de partir dessus. J’ai trouvé ça osé de changer d’accordage pour un album solo. Au final, j’ai trouvé ça plus inspirant encore.
D’ailleurs, lequel de tes propres riffs a ta préférence ?
J’en ai vraiment beaucoup et je suis absolument incapable de choisir ! … Tout l’EP Damballa’s Voodoo Doll de Trepalium en mode 12×8, shuffle, ce métal à ma sauce façon swinguée avec toute l’orchestration derrière et le drumming intrinsèquement lié au riffing… Et tout l’album Back In Business de Step In Fluid qui est un aboutissement au niveau de mes riffs. Mais, globalement, je suis content de 90% des riffs que j’ai composés… à partir de l’album XIII de Trepalium.
Ca, c’est du riff !
Et, plus globalement, quel riff est, pour toi, le riff ultime ? Celui que tu aurais probablement aimé composer…
Oh c’est pareil ! En citer un serait irrespectueux envers tous les autres ! Dans les 70’s, tu as le riff de Black Dog qui est excellent… Il y a évidemment Jimi Hendrix… Et même certains trucs des Beatles et des Doors… Il y en a tellement… Dans les 80’s, c’est pareil. Puis, moi, j’ai commencé à penser la musique en tant que guitariste dans les 90’s donc ça peut être un riff hardcore de Downset ou Biohazard ou Suicidal Tendencies ou que sais-je… Et surtout un riff de Pantera ou de Helmet… et Meshuggah !
Mais ! Guitaristiquement parlant, je vois un truc qui me fascine plus que tout et c’est chez Dimebag Darrell : sur le titre 5 Minutes Alone de l’album Far Beyond Driven, l’espèce de cassure entre deux couplets [NDR : à 0:50 et 2:05 de la vidéo Youtube en lien] avec ces bends très précis et synchro avec la basse… Quand j’ai découvert ça, j’me suis dit “‘tain mon lapin ! Ca, c’est du riff ! Tu peux pas test !” (lol)
Parlant de pointures de la guitare, comment en es-tu venu à participer à United Guitars #3 en 2021 ?
Initialement, Ludovic Egraz qui est à la prod’ et est aussi rédac’ chef de Guitare Xtreme Magazine m’avait proposé de participer à la deuxième édition mais j’avais botté en touche en me disant que ce n’était pas ma place. Il est revenu à la charge pour la troisième édition en insistant, me disant “je crois que t’as pas capté : tu as carrément ta place avec tout ce que tu fais ! J’te demande pas de faire des solo comme Jean Fontanille par exemple…” puis il m’a vendu le truc en me disant qu’il y aura Olivier Kikteff, Yoann Kempst… et Jon Grandcamp à la batterie, Bruno Ramos à la basse… Je me suis dit que je serais con de refuser ! En plus, il me demande de venir avec une compo !
C’était il y a plus de 3 ans. Quel souvenir en as-tu ?
Bah c’était mortel ! Ultra cool ! Je m’attendais à être un peu mal à l’aise mais j’ai finalement eu l’impression d’être avec des potes ! Et puis ça faisait longtemps que je n’étais pas monté à Paname en mode travail Zik donc c’était la bonne occasion. En plus dans un bon studio avec Arnaud Bascunana. En plus en rencontrant d’autres gars super sympas : Swan Vaude, Saturax que je salue… C’était chouette, quoi ! Une vraie bonne expérience qui m’a plu. D’ailleurs, si l’occasion se présentait de réitérer, si les contextes le permettent, je ne botterais pas en touche !
United Guitars possède sa chaîne Youtube.
Toi, suis-tu au quotidien des youtubeurs guitaristes ?
Alors suivre serait un grand mot mais je regarde de temps en temps, oui. Je te citais Saturax, Swan Vaude… et aussi d’autres guitaristes que j’admire comme Pierre Danel, etc. Je suis finalement plus sur Instagram. Et Pierre Danel systématiquement parce que je sais que je vais me prendre une tarte en me disant “holala c’est pas possible !” ! (lol)
Tu vois, Pierre Danel, c’est typique le genre de gratteux, quand il joue, si tu me demandes si moi je joue aussi de la guitare, je réponds “Moi ? Oh non ! Non non. J’en fais pas. Moi, j’suis roadie.” (rires)
Plus sérieusement, je suis guitariste mais je regarde cet instrument comme un outil de composition au même titre que la basse, la batterie, le clavier…
Et quel conseil de vieux sage donnerais-tu aujourd’hui au jeune Harun qui débutait ?
Oh j’aurais plein de conseils à me donner.
Déjà, le chant m’intéressait et je ne pensais pas pouvoir y arriver. Alors je me dirais “Hey, on a tous une voix et il suffit de l’aimer alors tu t’y mets ! Tu t’enregistres sans t’exposer au monde dans un premier temps, tant que tu n’as pas une vision mature de la chose mais tu t’y mets ! Tu te mets au chant !”
… une main droite démoniaque !
Vers quel(le) autre guitariste dans tes connaissances nous envoies-tu pour une prochaine interview et quelle question fun nous suggères-tu de lui poser ?
Ah elle est dure celle-là !
…
Je dirais Aldrick Guadagnino, guitariste de Step In Fluid et avant tout de Klone ! Je le considère comme l’un des meilleurs de France. Il ne le montre pas dans Klone parce que c’est pas le propos mais il a un niveau… ainsi qu’à la batterie, à la basse… c’est un zicos hors-norme ! A la guitare, quand il est bien chaud, il a une main droite démoniaque !
Et la question à lui poser : “Est-ce qu’un jour tu vas faire un album solo, ‘tain ??”
Et donc, en autre gratteux, bah Pierre Danel avec la même question !
Très bien ! C’est parti !
Et retrouvez la chronique de l’album REBOOT sur HexaLive !
Stedim (Instagram)