Le Klub, au coeur de Paris, un mercredi soir. Et la claque. De celles qui vous font rentrer vous coucher ensuite avec la banane. De celles qui vous font venir des réflexions à la con du genre : ‘pour crever de bonheur, y’a pas que l’amour, la musique aussi ça fait ça‘.
La musique, c’est celle de A Guy In Light, lequel, en effet, ne pourrait pas mieux porter son nom. Pas seulement parce qu’en costume de scène, il est blanc de la tête aux pieds – et jusqu’à la guitare électrique, superbe – mais aussi parce qu’il est de ceux que la musique irradie littéralement de l’intérieur. Les artistes tout entiers possédés par leur art, transcendés, c’est rare; un vrai caviar. On voudrait faire la fine bouche qu’on en serait bien incapable d’ailleurs, tant on n’arrive pas à se détacher de ce type là, bien campé sur ses jambes, marquant de ses mouvements un rythme parfait, rock and roll dès le premier titre, un » Dandelions » qui me conquiert d’entrée.
Les deux titres suivants sont plus doux et lui permettent de faire entendre une voix décidément très jolie. C’est alors qu’on réalise, mais trop tard : » Aliénor « , qu’il chante les yeux fermés, a fait naître une émotion qui prend à la gorge. On oublie tout : les photos, l’article, pourquoi on est là. Et c’est à cet instant, précisément, que l’on s’en souvient vraiment. La musique, les sensations, la magie, le voyage … Le mec est parfait ! Il enchaîne avec » The Run « , il est classe et sexy, viril et fragile à la fois, beau de partout jusqu’à la plus petite attitude, jusqu’au sourire qui l’illuminera en entier et se prolongera dans un échange de regard incroyable avec la femme qu’il aime. Waouh ! On a envie de sortir les gros mots, là c’est trop bon, putain de bordel de merde (pardon pardon), ça étouffe, ça remplit la poitrine. Allez pas de larmes, on respire, on contrôle !
Pas question de rester dans cet état, vu l’enchaînement avec une » Rock n Roll Star » qui apporte un nouveau changement de rythme. Plus personne ne résiste, et surtout pas les filles de Forget The Heroes qui s’agitent sur ma droite ( » c’est la première fois que tu le vois ? Nous on est super fans !!!! « ). Pause du groupe en plein milieu de la chanson, qui dure. Dure. Dure ! Il faut frapper dans les mains longtemps pour que les statues s’animent à nouveau. Hiiiii Haaaa ! Douche chaude douche froide, GIL prévient : » Voici » Life « ; tu ne vas pas pleurer, hein Véro ? « . Tout à coup on se sent moins seule, c’est déjà ça.Final avec » Wait for the Shiny Day « , un morceau bien soul en forme d’au-revoir, que l’on pourra retrouver très bientôt sur la compil Indie Moods (sortie prévue en mars)… Mince, c’est fini. Et mon » Shiny Day « , il vient de me l’offrir. J’ai beau me dire qu’il y a deux autres groupes derrière, je suis à deux doigts de partir. Je ne vois pas très bien ce que la soirée pourrait m’apporter de plus. Enfin.
Petite sortie pendant le changement de plateau, grave erreur. Lorsque je redescends la salle est archi-comble et je ne vois rien des Applause! que tout le monde semble encenser. Pas facile d’être objectif dans ces conditions, d’autant que je n’arrive pas à zapper le fameux Guy In light qui m’habite encore entièrement. Il me faut plusieurs titres pour accepter que les Applause! méritent eux aussi franchement le détour.
Fruit de la rencontre entre des (supers) musiciens Belges et un (beau, jeune et ténébreux) chanteur Français, le groupe fait se déchaîner le public, visiblement venu en nombre pour sa toute première date à Paris. On pense à un mélange entre Jeff Buckley et Ian Curtis, dire que j’ai failli rater ça ! La salle s’est vidée à l’approche des douze coups de minuit.
L’occasion ne se présentera certainement plus de voir Cascadeur, le tout récent gagnant du concours CQFD des Inrocks, dans de telles conditions. Le déguisement du début (casque, grosses lunettes, combinaison et robe à capuche à la Rocky) disparaît très rapidement derrière la musique, et je m’étonne de l’avoir trouvé une pâle copie des Keane (entre autres) tant l’homme orchestre, seul avec ses jouets et ses claviers, fait preuve d’une belle inventivité créative. Il crée et sample des sons, est barré dans son univers, je sens que les horaires du dernier métro vont encore me mettre au désespoir. Fin du quatrième titre, et je suis déjà debout lorsque Cascadeur annonce des » spécial guest » pour le titre suivant. Voilà donc Nicolas (de Applause!) et GIL (de A Guy In Light) qui le rejoignent pour les chœurs du tubesque » Shooting Stars « , tandis que je me rassieds, vaincue, forcément, par une telle débauche de moyens !
Plus qu’à piquer un cent mètres ensuite, mais à vrai dire, je m’en fous. Oubliée, la fatigue du boulot, les nuits trop courtes, les agendas surchargés, la pluie qui s’y met… Oubliée aussi, la colère contre les médias et leurs goulets d’étranglements. Je suis là, à courir dans cette rue, à près d’une heure du matin. Et seul existe le sentiment de complétude, cette immense sensation d’être heureux. La claque.
Isatagada
Crédit photo : Isatagada et Valérie Cuscito