Zégut : radio, découvertes, curiosité(s)… l’interview

En cette belle journée du 29 avril, rendez-vous est pris en visio avec Francis Zégut, l’homme qui a grandement contribué à faire découvrir le hard rock en France. L’occasion de revenir sur son (très riche) parcours (d’homme de radio notamment), sa vision, ses projets, ses découvertes.


Bonjour, merci de nous accorder un petit moment pour cette interview !

Avec plaisir !

Zégut et la radio

Wango Tango

Faisons un petit saut dans le temps. J’ai lu quelque part que c’est l’émission « Wango Tango » qui t’avait le plus marqué dans ta carrière. Pour quelles raisons ?

C’est la première émission de radio que j’ai faite, et c’est une histoire de passion pour le metal et la bande dessinée. Le nom est un titre de Ted Nugent, c’est une expression argotique et sexuelle américaine. Ted nous avait fait les jingles d’ailleurs pour l’émission lors d’une interview. J’ai fait une maquette de trois titres en hurlant dans la radio et en racontant des conneries.
C’était un peu Michel Audiard mélangé avec les Bidochon !

C’est un énorme coup de bol, et c’est le fait d’être au bon endroit, avec la bonne idée, au bon moment.

Le Metal dans les années 80

Comment on lance une émission sur le Hard Rock au début des années 80 ? Le contexte est complètement différent. D’où vient l’idée, et comment ça se passe pour mettre ça en œuvre ?

C’est un énorme coup de bol, et c’est le fait d’être au bon endroit, avec la bonne idée, au bon moment. Il y a eu la création de WRTL sur RTL en 1979. Avec Lang qui faisait la country et la musique Californienne, Schu qui faisait la dance et le disco, Farran qui faisait les lives et puis Hebey qui faisait le punk et la New Wave. Il manquait une émission de metal.
J’ai fait donc une maquette en août 1980 et ça a fonctionné comme ça, direct ! Il faut dire que je suis arrivé en même temps que « Back in Black » d’ACDC et que la New Wave of Heavy Metal avec entre autres Iron Maiden, Def Leppard, Saxon

D’où vient l’expression “bande de p’tites graisseuses et p’tits graisseux” à l’époque, alors que bon nombre de métalleux étaient alors permanentés ?

C’est le côté rocker de l’histoire, avec le perfecto. Et les greasers qui se mettaient de la pommade dans les cheveux pour les peigner et les coiffer en arrière. C’est un clin d’œil au rock des années 50.

C’est un clin d’œil au rock des années 50.

Zégut, souvenirs mémorables de radio

Est-ce que tu te rappelles d’un moment particulier et mémorable où tu as dû improviser en direct du fait d’un imprévu ou d’une surprise ?

Il n’y a pas forcément eu de choses exceptionnelles pendant l’émission, mais on avait régulièrement des auditeurs qui passaient un petit coup de fil et qui voulaient assister à l’émission. Ce qui fait que tous les soirs on avait cinq ou dix graisseux avec nous.

Zégut à la radio lors de l'émission Wango Tango
Zégut lors de Wango Tango

Dans les studios, directement ? Ils intervenaient ou ils restaient en retrait ?

Ils étaient en dehors. Mais souvent, on ouvrait la porte et on mettait les enceintes à fond pour que tout le monde en profite. Et quelquefois ils venaient dans le studio. Il y avait une sacrée bonne ambiance !

Dans les autres souvenirs mémorables, on a fait des émissions extras à l’extérieur. Par exemple à New-York, dans une radio qui s’appelle ABC. C’était la sortie de « Perfect Strangers » de Deep Purple en 86. On a fait l’émission en direct par satellite.

J’ai refait une soixantaine de jingles à la manière de « Wango Tango »

L’émission « Wango Tango«  est revenue depuis septembre 2024 en webradio RTL2. Est-ce que c’est uniquement de la musique, ou est-ce qu’il y a également des moments d’émission?

C’est un flux. Il y a huit cents titres dans la machine que j’ai sélectionné. Tous les mois je rentre des nouveautés, ou je remets des gold. Et puis j’ai refait une soixantaine de jingles à la manière de « Wango Tango » où je hurle et je raconte un peu les conneries de l’époque.

Zégut et Metallica
Zégut et Metallica

Zégut et le FuriosFest

On a interviewé il n’y a pas très longtemps Christophe Bourry du FuriosFest. L’an dernier, tu étais parrain de l’édition. Il nous disait que tu étais motivé pour rempiler cette année. A part peut-être la barbe de Christophe, qu’est-ce qui t’a fait choisir ce festival ?

Je suis hyper présent sur les réseaux sociaux, à part TikTok. Sur Facebook, on est pas loin de 60000, ça fait une belle communauté. Comme je suis libre éditorialement, j’ai pris le parti de donner des coups de main à des évènements. Soit dans la région où j’habite, du côté de la Rochelle, soit un peu partout quand il s’agit de metal ou de punk.
Christophe Bourry, c’est un pote d’un pote et je connaissais son festival. J’en parlais les éditions précédentes, et l’an dernier il m’a invité en tant que parrain. J’y suis allé avec beaucoup de plaisir.
Je pense refaire aussi le Motocultor cette année.

Comme je suis libre éditorialement, j’ai pris le parti de donner des coups de main à des évènements.

Quand tu fais de la radio, les festivals c’est l’occasion de rencontrer les gens qui ont écouté l’émission et qui l’apprécient. Wango Tango bien sûr, mais aussi ZikWeb, ou Pop Rock Station sur RTL2.
On passe un bon moment, on discute de la vie, de ce qu’ils sont devenus en écoutant l’émission. J’ai eu un témoignage il n’y a pas très longtemps que j’ai mis sur la page Facebook ByZegut :

Je sais pourquoi je fais ce métier depuis si longtemps !

Je les ai accompagné dans leurs études, sur la route en tant que routier, en taule… Et voir revenir tous ces gens maintenant, pour moi c’est la plus belle des récompenses.
Je sais pourquoi je fais ce métier depuis si longtemps !

Il y a d’autres évènements que le FuriosFest que tu as envie de mettre en avant ?

Le Motocultor, il n’a plus besoin de trop de soutien, même s’il en faut toujours.
J’ai soutenu aussi le 666, qui est un festival de metal à Cercoux (17). Les gens peuvent m’envoyer des flyers, si ça correspond à l’histoire, je donne un coup de pouce. C’est fait avec plaisir.

Ils sont ancrés dans la terre et ancrés dans leur musique. Franchement, écoutez-les !

Zégut et la scène française

Chez HexaLive, on s’occupe de scène française. Est-ce qu’il y a quelques groupes qui t’ont tapé dans l’oreille récemment ?

J’aime beaucoup The Inspector Cluzo (retrouvez sur HexaLive la chronique de Horizon et leur prestation à Guitare en Scène, ndlr).
Ce n’est pas tout à fait metal, plutôt « Neil Youngest » on va dire. Du rock américain. Quand tu penses que ces mecs sont fermiers dans la vie. Au moment où ils font leur semis de maïs, ils ne font rien d’autre.
Sur leur merch pendant les concerts, tu as les t-shirts, les sweats… et du confit de canard.
Ils sont ancrés dans la terre et ancrés dans leur musique. Franchement, écoutez-les !
Puis, allez les voir sur scène. Ils sont juste deux, je trouve ça fantastique ! Je leur donne des coups de main régulièrement. Ils ont un nouvel album qui sort dans les premiers jours du mois de juin (« Less is More » à sortie le 6 juin, ndlr).

Il y a un autre groupe du Jura qui s’appelle Gliz. Le mec a une voix fantastique.

Il y a un titre avec une rythmique à la vielle, c’est un sacré beau morceau. J’attends un album !

Il suffit de tendre l’oreille et d’être curieux

Je suis allé revoir il n’y a pas longtemps Mass Hysteria à la Sirène de la Rochelle. J’ai passé un très bon moment, ils se sont professionnalisés depuis la première fois où je les ai vus.
Je vais aller voir No One Is Innocent au Crossroad ce jeudi (l’interview a été réalisée le 29 avril, ndlr).
Je pense aussi à un groupe breton, The Bloyet Brothers qui fait du hard-rock un peu bluesy…

Il y a beaucoup de choses, il suffit de tendre l’oreille et d’être curieux.
Vis-à-vis des radios c’est un peu compliqué, mais avec internet on peut envoyer des liens. C’est bien plus pratique qu’à l’époque où il fallait graver et envoyer un CD. Et ça sert aussi aux groupes à faire leur promo et amener un peu de monde aux concerts.

C’est plus simple effectivement, mais est-ce que ce n’est pas plus compliqué d’émerger dans la masse ?

J’ai eu pas mal de retours de groupes. Cette visibilité leur permet d’avoir des dates de concerts derrière. Ça amène une petite pierre à l’édifice.

Objets et souvenirs

C’est quoi l’objet le plus surprenant que tu as en lien avec la musique ?

J’en ai plusieurs, ne bouge pas. Par exemple une œuvre d’art qu’on m’a envoyé il y a peu. Et un trophée du journal « Enfer Magazine » qui est né grâce à « Wango Tango » qui m’a été remis en 1986.

J’imagine que tu dois avoir une sacrée collection d’objets ?

J’ai reçu quelques disques d’or de certains groupes. J’en ai gardé certains, mais j’en ai fait gagner beaucoup via des concours sur un blogspot que j’avais ouvert en 2006.

C’était mon lien avec l’extérieur

Zégut, la BO de sa vie

Ce serait quoi la bande son des différents chapitres de ta vie ?

J’ai eu une enfance assez sombre. J’étais dans une ferme en Normandie où il y avait une paire de vieux, un petit clébard et pas de mômes. Quand je rentrais de l’école, j’écoutais « Salut les copains » sur Europe 1, c’était mon lien avec l’extérieur.

Mon premier 45 tours, ça a été « Love Me Do » des Beatles qui est sorti en 1962. La BO de ma vie commence donc avec eux, et je continue à les écouter.

Il faut rappeler qu’ils sont un peu à l’origine du metal avec le titre « Helter Skelter » sorti sur l’album blanc et qui a été repris par un bon nombre de groupes de metal.

Après, c’est Led Zeppelin pour tout un tas de raisons. Maintenant, les stars ce sont les DJ, même si certains mixent sans les mains. A l’époque, tout le monde rêvait d’être bassiste, guitariste ou batteur. De mon côté, je faisais de la guitare en carton en prenant le balais de ma mère devant une glace, et en me prenant pour Jimi Hendrix ou Jimmy Page.

Ils créent beaucoup de polémiques entre ceux qui disent que ce n’est pas du metal et ceux qui trouvent ça fantastique

Maintenant, je suis fan d’un groupe qui s’appelle Sleep Token. Ils créent beaucoup de polémiques entre ceux qui disent que ce n’est pas du metal et ceux qui trouvent ça fantastique. Moi, je me place dans le deuxième groupe. Il y a un vrai mouvement avec ce groupe. Au-delà des clivages et des frontières, ils arrivent à créer un univers avec la voix de Vessel, des morceaux et des mélodies hyper complexes mais qui se retiennent facilement.
Quand tu écoutes les derniers morceaux, tu passes d’une boîte à musique à du saxophone, avec des riffs énormes.

Je suis fan de ce groupe, et je le défends depuis l’année dernière.

On a fait une interview récemment de Corentin Charbonnier, qui a été co-commissaire de l’exposition metal à la Philharmonie, il nous disait que le rock était devenu une musique de vieux, tu partages ce constat ?

Oui, mais en même temps, je suis allé voir Sleep Token justement à l’O2 Arena de Londres, c’était plein à craquer, de toutes les générations et la moitié de l’audience était féminine. Ce qui prouve qu’il y a des choses qui sont en train de bouger quand même, même s’il y a toujours eu des nanas qui écoutaient le metal. Et le mix des genres musicaux du groupe amalgame des gens qui n’auraient sans doute jamais aimé le metal.

Cela fait une porte d’entrée plus accessible

L’exemple type, c’est Rage Against The Machine. Qui au début des années 90 arrive avec un truc venant du cosmos et mixant le rap et le metal. Ça donne un truc extraordinaire.

Et on en parle encore maintenant, ils sont passés du côté des groupes mythiques.
Il faut être curieux. Tant que tu ne lis pas un bouquin, tu ne sais pas ce que c’est. Tant que tu ne vois pas un film, pareil. Et tant que tu n’écoutes pas, tu ne peux pas dire j’aime ou j’aime pas.

Le nerf de la vie, c’est la curiosité !

Je me souviens qu’à quinze ans, j’avais des œillères et j’étais un peu borné. J’ai eu une copine qui écoutait tout autre chose et je me souviens lui avoir dit « c’est quoi cette musique de merde ! ». Et en fin de compte, au bout de quelques mois, ça m’est rentré et je me suis dit : « Putain, c’est pas mal son truc en fait ! ».
A cet âge-là, tu appartiens à une team, à une caste. Il y a tous les codes qui vont avec : fringues, musique…
Et après, l’esprit il s’ouvre (normalement).
Le nerf de la vie, c’est la curiosité ! Restons curieux jusqu’au bout !

Les voyages

Sur ton instagram, on voit beaucoup de photos de voyage. Avec la musique, c’est un élément important de ta vie ?

Je reprends le mot curiosité. C’est aller vers les autres, faire partie du décor. Quand tu es môme, que tu ne bosses pas ou que tu n’as pas trop d’argent, tu vois des vidéos, tu vois des photos d’endroits et tu te dis : « c’est beau, j’irai bien un jour ! ».
De mon côté, j’ai maté Easy Rider à la fin des années 60. Ça m’a donné envie d’aller aux États-Unis. On est partis en famille, on a fait des milliers de bornes pour être dedans, et voir ces décors qui m’avaient fait rêver.

Pour conclure, quels sont tes futurs projets ?

Écoute, déjà une nouvelle saison de Pop Rock Station, Wango Tango by Zégut sur le numérique qui continue.
Et j’ai sorti une BD qui s’appelle la Playlist by Zégut volume 1 qui a bien marché avec The Inspector Cluzo, Nirvana, Johnny Hallyday avec qui j’ai fait un bout de route 66 en 90… . Je suis en train de bosser sur le volume 2 qui raconte des anecdotes de ma vie et qui sortira normalement à la fin de l’année, ou au début de 2026 chez Autour de la Poire, une association de caricaturistes à Clermont-Ferrand. Dedans, il y aura des anecdotes sur ZZ Top, Placebo, Mass Hysteria (à retrouver bientôt sur la boutique de ByZegut, ndlr).

Merci beaucoup pour cet échange !

Interview réalisée par Arnaud Guignant et Stedim

Retrouvez Zégut sur son site officiel, Facebook ou Instagram

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *