Des artistes pro qui collaborent pour un titre voire tout un album, on en connaît. Plein. Même de plus en plus. On les imagine, en présentiel ou à distance, chacun dans son home studio coûteux à mixer passion artistique et ambitions de succès, l’ensemble chapeauté par les labels et autre direction artistique. Mais qu’en est-il quand ces artistes sont de passionnés inconnus qui ne vivent pas de leur musique, ne disposent pas des mêmes moyens techniques que les professionnels, résident dans des pays différents, ne se connaissent initialement pas, que tout part d’un coup de cœur musical spontané ?

C’est le cas d’Emily Gray et Monsieur Stone. Leur création s’intitule “Let Me Breathe” et est sortie sur les plateformes de streaming ce 21 février.
Alors j’interpelle Michaël (aka Monsieur Stone) pour en connaître la genèse car c’est une belle histoire en soi.
Michaël,
On parle bien d’un coup de cœur initial, hum ?
Oui, un vrai coup de cœur musical, mais en deux fois. Je suis tombé sur un post Instagram, de cette artiste indépendante que je suivais de loin. Un petit bout de chanson mélancolique, très simple, qu’elle venait de composer et qui m’a stoppé dans mon scroll infini. La musique et les paroles ont touché la corde sensible sur le moment… mais je suis passé à autre chose. Les réseaux sociaux quoi. Seulement 1 an plus tard, elle a repartagé la même vidéo sur laquelle elle venait de retomber. Et là gros coup de cœur musical confirmé, j’ai eu envie d’en entendre plus et même de la déchiffrer pour la jouer.
… il m’a semblé évident qu’il fallait la contacter et tenter quelque chose…
Qui ou qu’est-ce qui t’a ensuite poussé à la contacter pour envisager une collaboration ? La démarche n’est pas anodine.
Tout d’abord la frustration ! Le morceau faisait 1 minute et tournait vite en boucle… J’étais tellement persuadé que ce morceau pouvait être un tube à mettre dans ma playlist que j’en voulais plus. Et puis lorsque je me suis mis à le jouer de mon côté, à envisager quelques arrangements qui me plaisaient bien, il m’a semblé évident qu’il fallait la contacter et tenter quelque chose que je n’avais jamais fait.
Et ce fut heureux !

On en vient à l’aspect communication : la prise de contact s’est effectuée par quel biais ? Comment s’est-elle développée/organisée ensuite ? J’imagine, sans l’avoir expérimenté ainsi, qu’un tel projet requiert une comm’ de plus en plus complice si j’ose dire.
Ca s’est fait de manière assez simple en fait. Un DM sur Insta où je la félicitais et tâtais le terrain en lui demandant si elle avait prévu de faire une chanson complète. Honnêtement si elle m’avait dit oui, j’aurais sûrement rangé mon courage dans le tiroir et je n’aurais pas insisté… Mais quand elle m’a dit qu’elle n’avait rien de prévu, j’ai vite dégainé un premier arrangement que j’avais fait de ce début de morceau, toujours en Dm sur Insta (ce qui est un peu galère d’ailleurs, il a fallu que j’enregistre un vocal à côté de mes enceintes). Une fois le coup de cœur mutuel, on a communiqué essentiellement sur Insta. Ça a pris pas mal de temps au final (1 an et demi je crois) parce qu’on était tous les deux pas mal pris. Plus tard on a pu s’envoyer des fichiers et commentaires par mail et WhatsApp et on ne s’est fait qu’une seule visio !
Après vérification, j’ai pris contact le 5 octobre 2023 et le titre est sorti le 21 février 2025…
Ah intéressant ! Pour le coup, je peux ranger ce que j’imaginais de complicité naissante dans le cadre d’une telle démarche de création artistique. Vous avez communiqué majoritairement de manière indirecte.

Ça nous amène au troisième artiste impliqué dans l’aventure. Comment en es-tu venu à t’adresser à Eric Pilavian ?
Eric est un ami de longue date, connu il y a 10 ans dans le cadre d’un autre projet musical. C’est un compositeur de musique de film, pianiste et violoncelliste de talent. On a une sensibilité musicale très similaire lui et moi. A l’origine je voulais juste lui demander de mixer le morceau parce que je suis très mauvais dans le domaine, sans trop abuser de son temps qui est généralement compté. Mais je lui ai tout de même ouvert la porte pour y ajouter tout instrument qui lui semblerait pertinent. J’avais bon espoir de l’accrocher par la qualité de la chanson elle-même… et je ne me suis pas trompé ! Il a immédiatement eu un coup de cœur pour le morceau et s’est empressé d’y ajouter du piano et du violoncelle, les touches parfaites, selon moi, pour donner une plus grande ampleur à cette chanson. Cerise sur le gâteau : il a trouvé le mix parfait pour parfaire le tout.
Cela confirme à tous les niveaux que la musique est, selon moi, toujours une histoire de (belles) rencontres.
Une question plus technique maintenant : quels outils utilise-t-on de nos jours pour produire une telle musique ? … des maquettes que tu as produites pour échanger avec Emily aux versions abouties avec Eric ? Est-on déjà à un niveau semi-pro ou est-ce envisageable par le plus grand nombre (des musiciens amateurs) ?
Mon matériel est vraiment très simple, j’ai horreur de la technique et tout ce qui m’empêche de juste faire de la musique. Un micro pour la voix et la guitare acoustique, une carte son et un Mac avec Logic Pro. Je crois que c’est à peu près la même chose côté Emily. C’est une installation basique à la portée de tout amateur. On a fait toutes nos premières maquettes comme ça et même les prises définitives de chant, de guitare et de basse sont faites à la maison. Eric en revanche est bien plus équipé parce qu’il compose et produit de manière professionnelle. Donc le vrai rendu professionnel c’est lui (au-delà des pistes de piano et de violoncelle qu’il a pu apporter).
Tu évoquais précédemment le mix : c’est donc une phase incontournable à réaliser avec du matériel pro ou bien peut-on quand même faire sans ?
Je ne suis pas le mieux placé pour parler de ça, mais mon point de vue c’est que c’est un mélange de compétences et de matériel. Pour ma part je n’ai ni l’un ni l’autre haha. Un bon mix, c’est ce qui fait qu’un morceau sonne pro ou non. Il permet de sublimer les bonnes parties, d’équilibrer les instruments et de s’assurer que l’écoute soit agréable partout, que ce soit sur des écouteurs, des enceintes ou en voiture. Sans ça, même une bonne chanson peut passer inaperçue. Sur notre morceau, Eric a su à la fois utiliser sa science du mix et les bons outils (pas mal de plugins notamment). Après quand on n’est pas équipé ou qu’on ne sait pas faire, il y a aujourd’hui des services de mix en ligne, de plus en plus avec de l’IA, ou on peut trouver des personnes qu’on peut payer pour le faire. Mais clairement un bon mix fait la différence.
… les performances sont au-delà de mes attentes.
Ce titre a vraiment son charme. Quelle est la suite pour lui ? Simplement être disponible en streaming dans l’espoir qu’il trouve son public ou avez-vous prévu des actions de promotion ?
On n’a pas de plan de promo défini à ce stade, on s’est vraiment (trop ?) concentrés sur la chanson en elle-même. On réfléchit à un clip, mais pour l’instant on mise surtout sur la promo via nos réseaux sociaux pour que les gens streament et l’utilisent eux-mêmes dans leurs propres contenus (vidéos, stories, etc.). Je pense qu’il y a un vrai potentiel pour qu’elle accompagne des images, que ce soit des vidéos personnelles, des stories ou d’autres contenus. On va voir comment tout ça évolue dans les prochaines semaines et on avisera. Pour l’instant en tout cas, les performances sont au-delà de mes attentes.
… il faut oser et faire confiance à ses coups de coeur.
In fine, que vas-tu retenir, idéalement de positif, de cette aventure ?
Avant tout qu’il faut oser et faire confiance à ses coups de cœur. Mon approche de départ était spontanée et positive, j’ai envie de garder ça comme ligne de conduite. Je retiens aussi que, même si le pragmatisme est de rigueur, il ne faut pas s’empêcher de rêver et d’avoir des ambitions. Une de mes fiertés c’est que la chanson performe surtout dans les gros pays anglophones (Etats-Unis, Royaume Uni, Canada, Australie), les pays qui créent quasiment toute la musique que j’écoute et qui n’est pas le terrain de jeu habituel des artistes français.

Quelle sera la suite pour ta carrière solo ? Prévois-tu d’autres collaborations sur coup de cœur comme celle-ci ?
L’expérience ayant été positive, je laisserai clairement de la place à ce genre d’initiative, si ça a du sens artistiquement. Mais il y a deux axes que je veux vraiment creuser : faire plus de live en solo pour me trouver un public et sortir mes propres compos. Je m’appuierai sûrement sur d’autres personnes pour certains aspects (le mix notamment de toute évidence après ce que j’ai dit précédemment haha), mais je veux des expériences encore plus personnelles, vraiment solo quoi.
… je crois à la beauté simple et à la sincérité de ce morceau.
Enfin, pourquoi doit-on écouter “Let Me Breathe” ?
Avant tout parce que je crois à la beauté simple et à la sincérité de ce morceau. Mon coup de cœur de départ, je l’ai multiplié par 10 en travaillant dessus. Et puis le thème qu’il traite, ces moments de vie où tout semble insurmontable à n’en plus pouvoir respirer, c’est un peu un mal du siècle que tout le monde connait ou a connu. Je pense qu’il parlera à beaucoup de gens et qu’ils sauront apprécier la manière dont on l’a mis en chanson, avec cette lueur d’espoir, cette respiration dans la musique. Ah et puis bien sûr c’est bien de l’écouter pour soutenir les artistes indépendants…
Ah si, ultime question : vers laquelle de tes connaissances renvoies-tu HexaLive pour une prochaine interview ? Et quelle question doit-on lui poser ?
Ma question va à une artiste aux talents multiples que j’admire beaucoup et par qui j’ai eu la chance d’être coaché : Jessie Lee Houllier, de Jessie Lee & the Alchemists. Ma question est la suivante : qu’est-ce qui selon toi fait d’un artiste un “pro” et quand est-ce que tu t’es considérée toi-même comme pro ? J’ai même une question bonus, liée à quelque chose que j’ai évoqué dans mes réponses: toi qui tourne désormais à travers le monde avec le Brit Floyd, ça fait quoi de faire sa place au milieu de tous ces anglo-saxons ?
interview par Stedim (Instragram)