Mon côté Punk

Après leur concert à Chevilly Larue du 6 Octobre 2006 dans le cadre du Festi’Val de Marne, nous retrouvons Mourad de Mon Côté Punk et de la Rue Ketanou.

HL – Plusieurs fois vous avez parlé de la télé pendant le concert, comme quoi vous n’y passiez pas, pourquoi donc ?

Mourad – Ce n’est pas tout à fait ça, peut être qu’un jour on y viendra, mais ce sera jamais pour faire de la promo pour notre album, ça c’est une évidence. On ne s’en servira pas non plus pour nous faire connaître. Cela m’étonnerait que tu nous voies un jour aux victoires de la musique. Il faut savoir que quand quelqu’un qui n’est pas connu passe aux victoires de la musique, derrière il vend deux cent milles albums, car tu as un million de téléspectateurs. Et pour moi c’est du marketing, de la consommation. Notre métier se défend sur la scène. C’est pour cela qu’on a refusé d’aller dans des maisons de disque, qu’on refuse toujours, et qu’on essaie d’être sur le terrain le plus possible. C’est-à-dire faire de la musique, mais pas seulement, cela peut être aussi des animations. Quand on joue, les gens nous donnent, le public nous répond, tape dans les mains, et ça il faut qu’on le rende. Et on le rend en faisant des animations. Avec Saïd on était dans le même groupe de musique, dans la même école de théâtre, et ce qu’ils font maintenant je trouve ça beaucoup plus important que ce que l’on fait. Ce sont des mecs qui sont sans arrêt sur le terrain, qui apprennent aux jeunes à respecter les autres, et qui les emmènent, notamment en Afrique pour participer à des projets. On n’est pas anti-télé, mais si on y va, ce ne sera que parce qu’on a un message important à faire passer, pas pour parler de nous.

HL – Et qu’est-ce que tu dirais par exemple ?

M – Je dirai aux gens, arrêtez d’aller voir des choses que vous connaissez déjà, intéressez vous à ce que vous ne connaissez pas, mélangez vous, allez taper à des portes inconnues. Par exemple, mon amie Karine qui est là, elle n’a jamais attendu personne pour aller à Madagascar, et le travail qu’elle fait là-bas ça vaut dix mille Johnny Halliday pour moi.

HL – Tu penses que « Mon côté Punk » ça va se tourner de plus en plus vers l’animation ?

M – On fait déjà des animations dans les quartiers, des ateliers d’écriture. Ce que je pense, c’est que le racisme, c’est le fait de ne pas comprendre les autres. Il y a un an, on a fait quinze jours dans le bassin minier, on est tombé avec des gens hallucinants, et en même temps des personnes qui ne savaient pas qu’ils pouvaient écrire comme cela. Je pense que rencontrer des gens et leur montrer qu’on est proche d’eux ça casse des barrières.

HL – Il y a un message de les pousser vers la découverte ?

M – C’est pas forcément pousser les gens, mais simplement montrer que des fois la personne qui est juste à côté de toi elle pense la même chose que toi, mais comme vous vous regardez de travers depuis le début vous ne vous en rendez pas compte. Le but ce n’est pas d’être tous copains, c’est bon d’avoir ses avis aussi. Mais il faut savoir accepter les différences des autres. Par exemple Karine qui vient de Clermont Ferrand, maintenant elle parle presque le malgache. Ce qu’elle fait là bas c’est énorme, et ce que les mômes font pour elle c’est énorme aussi.

HL – Vous pensez justement faire des animations à Madagascar, ou ailleurs ?

M – Oui, car tu as deux parties dans le monde, l’hémisphère Nord et l’hémisphère Sud. Quand tu sais par exemple que 80% des médicaments pour la séropositivité sont distribués dans le Nord alors que 80% des malades sont dans le Sud, il y a un problème quelque part. Alors on n’est pas des prophètes, mais ce qu’on peut faire à notre échelle, on le fait. Et des choses on peut en faire.

HL – La musique ce n’est donc qu’un des points

M – La chose la plus importante c’est se faire du bien et faire du bien autour de nous. On sait bien qu’une chanson ne va pas changer le monde, mais par contre à un moment on peut faire danser les gens, leur faire oublier un truc, et ça c’est bon, comme par exemple ce soir. Heureusement il y a des gens qui comprennent que la crête elle est à l’intérieur de la tête et que le reste c’est de l’apparence. J’ai beaucoup de potes qui ont traîné devant des magasins, qui ont des chiens et qui t’insultent quand tu ne leur donnes pas une pièce. Ces gars là, ce sont des copains et je leur ai dit, mais tu fais quoi toi pour gagner une pièce ? Avec Saïd, on l’a fait la rue. On n’était pas payés, on allait faire du théâtre dans les quartiers. Pour payer nos cigarettes on allait jouer dans la rue. On essayait de bien se présenter, de monter un spectacle pour montrer que ce n’est pas parce que tu es dans la rue que tu n’es plus rien. On peut aussi avoir une dignité, on est avant tout des gens. Et le punk pour moi c’est tout sauf celui qui fait le jeu de Sarkozy, c’est-à-dire aller insulter les bourgeois. Le punk il est beaucoup plus anti-conformiste que ça. Ca veut surtout dire ne pas faire comme les autres. J’en connais beaucoup qui ont la crête, mais dès qu’ils trouvent un bon moyen de se faire de la thune, ils y vont. Un mec comme Alain Leprest, qui à déjà cinquante balais et qu’on respecte beaucoup au niveau de l’écriture, pour moi c’est un des vrais punks. Un mec comme Bernard Dimey c’est pareil.

HL – Ce qui m’a marqué ce soir, c’est que « Mon côté Punk », c’est une vraie famille, une bande de copains qui s’éclatent.

M – Le but de « Mon côté Punk », ce n’était pas de monter un groupe pour cartonner, c’était vraiment de passer un moment entre copains. Le prétexte c’était la musique car c’est le métier qu’on sait faire. Mais il y a également du théâtre, de la danse, peut être demain du cinéma, du cirque, de la parade. On aime cela. Et également aller chercher des textes. Les musiques ne viennent pas par hasard. Il y a beaucoup d’artistes qui ont un imaginaire hallucinant, par exemple Nougaro ou Gainsbourg. Nous on écrit plus par rapport à ce qu’on est. Quand on écrit un texte, c’est parce qu’on en a besoin de dire quelque chose à un moment.

HL – Ca se passe comment dans le groupe au niveau de l’écriture justement ?

M – Pour le premier album, on a utilisé beaucoup de textes d’autres artistes, ou des textes qu’on avait déjà. On a en plus écrit une chanson en commun qui s’appelle « Yousseff » et j’ai écrit « Inch Allah ». Pour le deuxième album en revanche on n’a qu’une seule chanson de quelqu’un d’autre et le reste on est en train de l’écrire. On n’a pas l’écriture facile forcément, autant il y a des chansons qui viennent facilement, pour d’autres c’est plus dur. La chanson que j’ai chanté « Salut mon pote Saïd », ça faisait trois ans qu’elle était dans ma tête. Je n’arrivais pas à trouver, et un jour, devant le film « Neverland » j’ai entendu la phrase « ceux qui se fient à leurs yeux ne sont pas prêts de voyager ». Et tout le reste est parti de là. J’ai pensé à des gens qui n’ont pas d’argent pour voyager et dont le seul moteur est de rencontrer d’autres personnes.

HL – Il n’y a pas trop de côté no futur quand même ?

M – Non, maintenant la tendance s’est inversée. Tu as tellement de gens qui disent que bientôt on n’aura plus de planète, qu’on a trop de pollution, que maintenant être punk c’est l’inverse, c’est dire qu’on a un futur.


Mourad avait convié à cet interview deux de ses amis qui sont très actifs au sein de différentes associations pour qu’ils nous présentent les projets dans lesquels ils sont impliqués :

Saïd : En fait, il y a deux associations. D’abord l’association Zinado, qui monte des projets pour le Burkina Faso. Pour l’instant ils ont construit un dispensaire, une école, beaucoup de bâtis. Ils ont également construit un puit, planté des arbres. Ensuite tu as l’association Les Tzigales, qui travaille plus sur des événements (spectacles de rues, musique, théatre…). Et le mélange des deux a permis de monter un voyage au Burkina Faso pour un échange culturel. L’idée c’est d’échanger des savoirs.

Karine : L’association s’appelle « Grandir à », je l’ai rencontré car je voulais monter quelque chose sur Madagascar d’où je revenais, et où j’avais rencontré les enfants des rues. Il y a plusieurs projets au sein de cette association. Un projet commerce solidaire venant d’une autre association qui s’est greffée avec nous, ils ont déjà fait beaucoup de choses sur le Sénégal et on va essayer de travailler de la même manière sur Madagascar. Un projet voyage solidaire dont l’idée est d’emmener des groupes en voyages, leur faire rencontrer les gens autrement, créer des échanges. Il va y avoir également des structures qui vont se monter sur place pour accueillir les enfants de la rue et on va essayer de faire cela avec les artisans, pour les aider à vivre de leur art et pour qu’ils soient formateurs pour les enfants.
Site web prochainement en ligne à l’adresse : http://www.grandira.org/


Interview réalisée par Isatis et Meeloo

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