CACHEMIRE à La Maroquinerie (12 avril 2025)

Cachemire a dix ans et a ressenti l’envie (le besoin ?) de se réinventer sans se renier : nouvel album après l’été, nouveau (et premier) single de suite, nouvelle identité visuelle, nouvel acolyte à la guitare lead…

Un nouveau Cachemire à découvrir dans l’écrin intimiste de La Maroquinerie, très vite soldout pour l’occasion : 500 aficionados au rdv. On peut vite comprendre que ça va manquer de dates franciliennes dans la tournée 2025. La prochaine, c’est La Cigale en janvier 2026. La billetterie est déjà ouverte. Il ne va pas falloir procrastiner. Pour l’heure et l’occasion, HexaLive à La Maroquinerie, c’est un duo de choc : Régis Hamelin et Bruno Aressi, Messieurs Dames ! Et c’est leur première fois avec Cachemire ! Et vous ?
Stedim

[NDR : retrouvez toutes les photos en grand format dans la galerie en fin d’article]

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Il y a quelques semaines, on me parle de Cachemire en m’envoyant une vidéo d’un concert en festival.

En écoutant le premier titre, je suis surpris quand les riffs saturés s’arrêtent pour laisser entendre un sample d’une voix d’enfant passer un message sur l’environnement. Et ce contraste entre une musique puissante et cette fragilité enfantine a stoppé mon train de pensées, comme figé par l’effet de surprise. Je me suis dit que ce groupe était intéressant, très intéressant… Et honte à moi, je découvre que ce groupe existe depuis 10 ans déjà, qu’ils vont sortir leur nouvel album et qu’ils sont en train d’accueillir un nouveau membre. Ça fait beaucoup d’actualité !

Quelques semaines passent et on me fait passer l’affiche qui annonce la tournée et le premier concert à La Maroquinerie le 12 avril. Et c’est un nouveau choc mental ! L’image interpelle par la couleur vive du fond et la posture des protagonistes en tenue immaculée. Ils semblent connectés à l’univers, le menton levé et les bras croisés dans leur uniforme blanc. Mais le plus drôle c’est qu’il m’a fallu un instant pour remarquer qu’ils étaient en jupes plissées à l’exception de la nouvelle guitariste.

… ce groupe est pourvu d’une créativité débridée…

En une image, ils ont cassé tous les codes des groupes Hard Rock. Il en est fini de ces photos de groupes qui tirent la gueule dans la pénombre, tout le monde en noir, arborant bracelets cloutés et autres artefacts virils. Cachemire fait du rock habillé en blanc sur un fond orange, avec des vêtements de filles (sauf pour la fille).

Lorsque j’ai vu cette image, non seulement j’ai été conforté dans l’idée que ce groupe est pourvu d’une créativité débridée, mais je me suis dit qu’il allait se passer quelque chose à La Maroquinerie qu’il ne fallait pas louper.

La file d’attente est déjà longue devant la salle lorsque je rejoins Bruno, notre photographe. A l’ouverture, on sent l’excitation des tous premiers entrants qui trépignent littéralement alors qu’on tente de scanner leur billet. On sent qu’ils veulent courir comme s’ils devaient traverser tout Longchamp pour être les premiers à se coller à la scène.

Alors que je me place tranquillement en hauteur, le Merch est déjà pris d’assaut et les posters sur fond orange partent comme des petits pains prouvant que les fans ont déjà adopté le nouvel angle du groupe. Je vois une basse blanche en coulisse, vont-ils pousser le concept jusqu’au bout et venir sur scène en jupes et shorts blancs? Apparemment c’est le cas, me souffle-t-on.

En première partie ? Lucien Chéenne

Lucien Chéenne, un auteur compositeur interprète, fait la première partie en guitare voix (et quelle voix). Au cours du set, on apprendra qu’il est Nantais, fait de la Folk et a passé du temps à Astaffort. Une façon de nous dire qu’il est de l’école Cabrel. Il connecte vite avec le public et vanne les petits rigolos qui font les malins dans la fosse. On s’amuse déjà ! Avant de partir, il remerciera Cachemire pour avoir donné une place à la chanson française.

Ils font de la chanson française gravée dans le Rock à grands coups de riffs

Ce lien entre Cachemire et la chanson française m’était apparu comme une évidence lorsqu’on écoute leur production. Pour moi, ils font de la chanson française gravée dans le Rock à grands coups de riffs. Ils reprennent Bashung et Stromae et revendiquent le Français. Car, au-delà de la forme, il y a du fond et ils vont nous le montrer.

Et c’est le moment, leur ombres se mettent en place en un instant dans la pénombre et, quand les lumières s’allument, ils apparaissent tout de blanc vêtus. Tout pareil comme sur l’affiche. Il faut du courage parce que, quand même, le blanc c’est salissant. Les fans adorent en tout cas ! Le groupe va au bout de son message. Il passe à l’action en démontrant son propos au travers de la tenue de scène. Ils sont Woke n’Roll !

Dès les premiers titres, Fred Bastard livre toute la force de sa voix qu’il sait envoyer instantanément dans un falsetto suraigu. Il n’en n’abuse pas, mais il reproduit à l’identique ces prouesses vocales qu’on a pu entendre sur les enregistrements.

Très vite, les premiers Crowd Surfers traversent la fosse qui ne va pas tarder à se transformer en Mosh Pit. Ici, vous n’entendrez pas de long solos, il y a peu de place pour l’individualité car on a plutôt affaire à un ensemble de musiciens soudés à l’arc qui font communier leur public dans la puissance de sa musique. Les mélodies au chant sont des « single note melodies » caractéristiques des groupes qui apportent de l’importance à leurs textes. Plus d’une fois, le flow du chanteur me fera penser à Jacques Dutronc dans « La Fille du Père Noël » ou « Les Cactus ». Je note cette remarque dans la colonnes des arguments selon lesquels Cachemire a fait la fusion entre chanson française et Rock.

Parmi les interrogations que je nourrissais avant le concert, il y avait la question de l’intégration de la nouvelle guitariste. J’avais déjà vu Alice Animal sur scène car elle porte un projet personnel dans un Power Trio où elle tient guitare et voix (et quelle voix). Elle nous avait assuré lors d’une interview pour Hexalive qu’elle séparait les deux univers. Il n’a pas fallu deux titres pour que j’oublie complètement cette question futile : elle tient sa place dans le groupe et elle irradie du plaisir qu’elle prend sur scène.

Fred parle au public entre les titres, il explique les nouvelles compos. Les accroches sont tellement efficaces qu’elles entrent immédiatement dans la tête et sont reprises instantanément par la petite foule de La Maroquinerie. Ça s’enchaîne et y a rien à dire, la machine est sous contrôle, Fred tient son public et s’amuse avec lui.

… ils sont complètement fous ces gens-là…

Ça pourrait devenir trop « sous contrôle » ? Mais pensez vous… c’est qu’ils sont complètement fous ces gens-là et passent un peu trop de temps dans le camion de la tournée. Car on apprend qu’ils ont des idées dans ce camion (rappelez vous, ils sont créatifs), et ils vont en mettre quelques-unes en application. Ainsi, ils ont décidé de tourner un morceau de leur future clip sur scène en donnant le rôle principal au public. C’est improvisé, c’est filmé au smartphone, ça prend 5 minutes et c’est tellement marrant.

Quand ils font leur reprise de Bashung, on sent que le public l’attendait et, quand arrive la fin, on lit la concentration sur le visage du chanteur au moment d’envoyer une de ses salves aiguës. Il faut quand même oser reprendre Bashung sur ce qui est probablement son titre le plus iconique et faire un hold-up en tatouant le final du sceau du groupe .

Cachemire offre ensuite au public un véritable moment cathartique en lui faisant chanter un « Ta Gueule » bien envoyé à tous les insupportables qui nous pourrissent la vie.

On en vient alors à la deuxième idée qui a germé dans ce fameux camion : ils demandent trois accords au public, un thème et ils se lancent dans une improvisation totale pour composer un titre. Ce soir il faut improviser sur Do Mi et Fa et chanter la Liberté. Le premier couplet est approximatif, mais le deuxième est inspiré et il nous dit que si nous voulons « garder notre liberté en 2027, il faudra voter, mais surtout que pour garder notre liberté il faudra bien voter ». Et c’est à ce moment que j’ai été frappé par la force du Rock et de l’importance de le faire en Français pour faire entendre ces messages. La musique unit la foule (il suffit de voir comment ils se bousculent et se rentrent dedans depuis le début pour être convaincu de tout l’amour qui règne en ce lieu) et a la capacité d’ouvrir les esprits. Je me dis qu’ils ont tout compris, que même si tout semble bien compliqué dans la vie, et que l’inexorable pointe son nez, il nous reste l’espoir dans le Rock n’ Roll.

Le groupe entame la dernière partie du concert avec ses anciens titres et lâche tout, la fosse est en fusion.

Arrive alors le moment des remerciements et là il se passe encore un truc de dingue. Fred s’adresse aux parents dans la salle et les remercie d’emmener leurs enfants voir des concerts de Rock. C’est vrai qu’il y avait quelques enfants par ci par là avec leur casques antibruit. 

Fred en cherche un qu’il avait remarqué, le repère et demande à la foule de le faire venir. Et c’est tout naturellement que ce petit d’une dizaine d’années se laisse porter en crowd-surf pour être réceptionné en douceur sur scène. Une fois arrivé, on lui promet un moment qui va le changer à tout jamais. On va lui demander de lever le poing et après ça, « [il] n’ira plus jamais à l’école ». Le gamin lève le poing, la foule lève le poing et le groupe enchaîne ! Fred chante et on voit les lèvres de l’enfant bouger, il connaît les paroles et chante avec lui ! Un moment à la fois drôle et émouvant d’une intensité inattendue. Fred repose doucement l’enfant sur la fosse à mille bras et il repart vers son père dans un tonnerre de guitares.

L’affiche était la promesse d’un groupe ultra créatif prêt à casser tous les canons de la communication du genre Rock. 

Pendant ce petit moment d’histoire du Rock Français, j’ai pu mesurer à quel point cette créativité est alimentée par des convictions profondes et une foi inébranlable dans le pouvoir de la musique. La Maroquinerie est une petite salle et souvent une étape intermédiaire. Fred nous l’a bien dit, grâce au public présent, ils feront La Cigale en 2026 [NDR : la billetterie, c’est par ici !]. Et c’est vraiment ce que l’on veut voir, on veut ce groupe à la présence scénique sans pareil faire la fête avec un public de plus en plus large. [NDR : il y a forcément une date qui vous conviendra dans cette tournée !]

Héritier de la chanson et enfants du Rock, Cachemire a tiré sa révérence sur le riff de Kashmir en scandant : « C’était Cachemire , pour vous servir ! ». 

Régis Hamelin – chronique
Bruno Aressi – photos (instagram)

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